nous sommes paisiblement installés depuis 2 jours à Gran Tarajal, petit village assez peu touristique au sud-est de Fuerteventura.

Catafjord est amarré à un ancien quai de ferry reconverti à la plaisance.

Le port est en plein travaux d'aménagements, ce qui donne un peu de mou dans sa gestion, et donc le prix de notre séjour a pu être raisonnablement négocié.

Il reste encore une place derrière nous le long du quai, quand arrive un beau monocoque d'une quinzaine de mètres, équipé d'un capitaine préhistorique (comprenez: semi liquide....) et de son équipière un peu moins délabrée, mais bon, on n'est pas là pour se moquer.

Ils arborent fièrement leur grand-voile à demi enroulée dans le mât, et bordée dans l'axe.

Je précise pour les quelques béotiens qui me lisent , qu'avec un bateau moderne dont au sujet duquel on a un minimum de confiance dans la mécanique , il est d'usage de manoeuvrer au moteur toutes voiles serrées;

notre brave néanderthal'sailorman décrit consciencieusement des cercles dans l'avant-port, cependant que sa Cosette met en place parre-battages et amarres.

Après plusieurs tours de manège, pépère danois ( car il bât pavillon danois en plus! y'a des fois, on s'demande.....) décide qu'il est fin prêt pour accoster le quai, et présente son canote l'arrière au vent, avec toujours son bout de grand-voile à poste et Germaine à l'avant prête à balancer son amarre telle une matelotte de Pitalugue!

Et ben, j'y connais pas grand chose à tout ça, mais à cet instant je me suis dit en a parte ( car c'est une langue que je parle couramment) : "mon p'tit père concentre toi, c'est pas gagné; y pourrait y avoir à r'dire".

De fait, y a eu à r'dire.

L'envoi de l'amarre avant a été un bel envoi;

dûment receptionnée et frappée sur une bitte du quai par un aimable autochtone qui surveillait le manège depuis un moment;

puis, dame Tartine s'enhardit et file à l'arrière pour réitérer le geste auguste de la jeteuse d'amarre qui jette bien son amarre, mais las, les dieux l'abandonnent lâchement à un moment qu'il aurait mieux pas fallu et plouf fait l'amarre en chutant dans la flotte à un mètre du quai....

notre "capiton"gélifié, lui, ne se dégonfle pas:

afin de sauver la situation, il quitte son poste de barre et file derechef sur le pont, pour aller faire......

rien du tout!

et, bien sûr, comme le vent souffle toujours et que la grand-voile est toujours en train de prendre l'air, le bateau aussi prend de l'erre et vient se vautrer lamentablement contre le Catafjord;

mon sang ne fait qu'un tour;

je me rue à bord de l'intrus avec en tête ces mots du capitaine Jack Aubrey, dans le bouquin de Patrick O'Brian que je lis en ce moment: " à l'abordage!"

Négligeant carrément les présentations, je m'installe prestement à son poste de barre et me met à manoeuvrer son bateau pour le dégager du cata.

Puis je commence à donner des ordres pour refaire l'accostage vent devant....

Mais là, tout de même, notre intrépide danois revient à la surface, en me priant très polimment de bien vouloir lui rendre son jouet ( "please, please" dit-il en me montrant sa barre à roue que je tiens à pleines mains...)

moi, quand on me demande polimment, je ne sais pas dire non...

après une brève négociation, nous convenons que , "d'accord je te rends tes commandes, mais on rentre la grand-voile et on amarre l'arrière en premier".

Je ne sais pas si tout çà l'a réveillé ou si la méthode est mieux, mais en 5 minutes, son fin coursier est sagement amarré le long du quai....

petit échange de civilités pour conclure:

lui: "thank you for your help"

moi: " you're welcome; it was a pleasure",

et chacun s'en retourne dans son engin flottant, vaguement fier d'avoir su éviter un regrettable bien que probable , mais cependant peu souhaitable, incident diplomatique entre Canada et Danemark.

Sinon, Fuerteventura, c'est vachement aride comme quartier.

Que ce soit en "descendant " sous spi de Lanzarotte, ou en louvoyant toute la journée de mercredi contre 15 noeuds de brise, nous n'avons pas vu beaucoup de verdure sur cette île ratiboisée;

par contre, les plages de sable blond sont nombreuses et belles.

Ici, à Morro Jable, nous sommes accostés à un quai de commerce, à un tarif journalier acceptable, et nous en profitons pour faire des travaux d'extérieur pénibles et ingrats ( ponçage + stratification + finition de 2 zones "merdiques" d'environ 3 m2 chacune...)

Du bruit, de la poussière, des positions malcommodes, des outils partout!

On n'a pas une vie facile, je vous le dit ...

Heureusement, il y a la "copa de vinho blanco" servie bien fraiche au bar des pêcheurs à la tombée de la nuit : un "rioja" tout à fait rassurant

Et puis, l'endroit est agréable;

c'est plein de touristes, de restaus à touriste,et d'animations pour les touristes...., mais il y fait bon déambuler le soir , alors goûtons l'instant présent