Sam dit 15 décembre:

nous avons quitté Santa Cruz depuis un peu plus de 2 heures; je suis tranquillement installé au poste de barre, avec mer belle, grand soleil, petit temps, et qu'est-ce que je vois-je en tournant la tête à droite: la neige!

ça vous la coupe ça, hein?

évidemment, à quelques kilomètres, c'est le pic de Teide, le plus haut sommet ibérique ( et pas seulement de vin...) qui culmine à plus de 3000 mètres.

Il fait -10°c la-haut; on est bien mieux en T-shirt sur notre canote.

Fin de journée sereine:

une bonite a le bon goût de se prendre à notre ligne une demi-heure avant le repas du soir; elle remplit bien les 5 assiettes.

La nuit tombe, et le vent aussi; donc moteur;

au clair de lune, nous discernons un petit groupe de dauphins qui nous accompagne malgré le ronronnement des moteurs. C'est plutôt rare;

souvent ils ne restent avec nous que lorsque nous faisons route sous voiles.

Dimanche 17 heures:

ils sont toujours là!

les dauphins sont omniprésents dans cette descente plein sud vers le tropique.

les quarts se succèdent ponctués par le sempiternel " c'est ton tour" qui vous arrache du lit en plein sommeil.

beau temps, soleil, dauphins.....ça va.

ils nous régalent d'un festival de sauts et de plongeons; il est vrai qu'une fois qu'ils ont sauté hors de l'eau, il leur est difficile de faire autre chose qu'un plongeon.....(ou alors, une nageoire d'honneur.....mais c'est trop bien élevé pour ça un dauphin).

nous arrivons au port de pêche de Dakhla au Maroc, dans l'après-midi, après une traversée des plus calmes.

j'entends à la VHF: "li voilier, li voilier, di capitainerie";

c'est le capitaine du port qui appelle pour nous donner ses directives d'accostage; il n'a tellement pas l'habitude de voir des bateaux de plaisance, qu'il nous appelle "LE voilier"...Nous rigolons en imaginant la capitainerie de La Rochelle appellant à la VHF "le voilier"; ils auraient 50 réponses dans la seconde.....

s'ensuit l' accueil à quai par un véritable comité composé de douanier, police des frontières, capitaine de port et tout et tout....

ils sont plutôt gentils et très courtois, mais inspectent bien le bateau quand même....

sitôt les formalités effectuées, nous quittons ce quai cradingue où sévit un terrible ressac à tout casser, pour aller mouiller l'ancre à 100 mètres du port;

ici, il ne faut pas laisser le bateau seul, aussi , Malou et moi allons ensemble faire une petite visite en ville en taxi;

pas de doute, ici c'est l'Afrique: c'est pauvre, désordonné, plutôt sale, mais les gens ne semblent pas miséreux;

il y a des centaines de petites boutiques qui vendent de tout, des échopes de tailleurs qui font les fringues sous votre nez avec leur machine à coudre, des menuisiers qui fabriquent tables et meubles à la lueur d'une misérable ampoule de 40 watts, des gus qui réparent vélos et mobylettes dans des gourbis qu'on croirait fabriqués uniquement en graisse et cambouis tellement c'est noir sur fond noir....et ça grouille de monde dans les rues, à pied et en "petit taxi" ( en général des Fiat uno et des Ford fiesta).

les habitations du bidonville proche sont toutes surmontées d'énormes antennes satellites; je me dis que si le bon peuple peut adorer ses idoles bélantes devant un petit écran, il doit faire bon vivre.....

en tout cas l'atmosphère est assez sereine, et on ne sent pas en insécurité...

après quelques jours de mer, l'escale est toujours belle!

mercredi 19 décembre: drôle de journée;

Tintin a 33 ans ( mais il fait beaucoup plus...).

le ciel est bas, et le vent de plus de 20 noeuds qui s'est établi pendant la nuit soulève un mèchant clapot et rend le mouillage inconfortable voire dangereux: les cailloux de la jetée ne sont qu'à quelques dizaines de mètres sous le vent.

dans le port, ce n'est pas mieux;

les pêchous qui sont plus d'une dizaine à couple sont obligés d'appareiller avant de se fracasser les uns contre les autres;

pour aller où ? me direz-vous;

2 secondes, j'y arrive:

pour se rendre dans la baie à l'extérieur du port; le clapot y est aussi dur, mais, au moins, il y a de la place; c'est même immense!

Je ne sais pas s'ils n'ont pas de mouillage ou quoi, mais ils restent à dériver, moteurs au ralenti, puis reviennent au vent au boutr d'un moment , passant la journée à rouler bord sur bord!

curieux port qu'on ne peut fréquenter que par temps calme, et qu'il faut quitter quand ça se gâte....

nous dérapons l'ancre sitôt le pti'déj avalé, pour aller mouiller à l'abri de l'autre coté de la jetée, et pouvoir ainsi travailler tranquillement toute la journée, car il pleut des cordes;

de plus, le groupe électrogène est en dérangement pour cause d'avarie de pompe à eau; ce n'est donc pas le moment de glandouiller.

Nous avions remarqué, en arrivant, des gars qui pataugaient, curieusement agrippés à une chambre à air de camion, grenouillant dans les rochers de la jetée;

renseignements pris, ils pêchent le poulpe, barbotant toute la journée armés d'un couteau pour capturer quelques bestioles gluantes....

les pauvres sont décidemment très inventifs pour trouver des idées de passe-temps peu rémunérateurs et pas ragoutant....

alors que d'autres, avec seulement quelques jours de grêve, obtiennent facilement, disons + 3%, et hop, on peut acheter une deuxième télé pour la chambre.....

jeudi 20 décembre:

nous voilà de nouveau en mer; avec 600 milles à parcourir pour arriver à Dakar. Claire a envie que nous y soyons pour Noël; on va essayer de ne pas trop lambiner.

Mais ça démarre timide: 5 noeuds de vent à 60° de la route + moteurs.... ça devrait s'améliorer demain

Décidemment, notre Tintin est au centre de toutes les attentions ces derniers jours; après son anniversaire, c'est aujourd'hui sa fête:

il passe le tropique du cancer en bateau pour la première fois de sa vie.

Cet évènement est salué par une petite cérémonie dite "passage de la ligne", durant laquelle il doit se soumettre aux facéties de l'équipage, et comparaitre en suite devant le roi Neptune ( c'est moi qui tient le rôle ). Les filles l'ont déguisé en sirène et maquillé! le ciel me préserve de ne jamais rencontrer une sirène de cette sorte ( genre "bois de Boulogne si vous voyez....)

On n'en a pas profité pour faire une grosse fête, car la mer est agitée depuis le mauvais temps d'hier, et les mouvements du bateau sont peu confortables ( nous sommes partis depuis 3 heures et pas encore bien amarinés ).

Tintin le pêcheur nous en a fait une bien bonne juste avant le passge de la ligne: il a "péché" un gros goëland qui s'est si bien ferré à son hameçon qu'il a fallu le remonter à bord pour parvenir à le libérer; la bestiole avait un bec crochu d'une bonne quinzaine de centimètres de long et se débattait vigoureusement....ça s'est quand même bien terminé.

vendredi 13 heures:

Ca y est! après 25 heures de moteurs , l'alizé est enfin au rendez-vous;

le spi est promptement envoyé au milieu d'une flotille de chalutiers marocains et roule ma poule;

pour quelques heures seulement....

la nuit est venue, avec son clair de lune toujours bienvenu, et le vent monte de plus en plus...

un chalutier laboure les flots juste sur notre route, et nous faisons des pointes à 10 noeuds;

il est temps de rentrer la bulle, aussitôt remplacée par le génois.

nous marchons encore bien sous génois seul; grand bien nous a pris de réduire, car ça fraichit encore, et il y a des pêcheurs partout.

nous sommes au large du banc d'Arguin; c'est un endroit très poissonneux;

avec cette disposition de voilure, nous pouvons zigzaguer aisémment pour éviter les bateaux, et suivre les sautes d'humeur de l'alizé.

Dimanche 13 heures:

notre prédateur piscivore du bord a encore frappé!

au bout de sa ligne, une belle bonite de 4,5 kg qu'il remonte à bord au prix de quelques efforts heureusement récompensés.

pour lui faciliter la tâche j'enroule le génois pour ralentir un peu le bateau;

une fois ses instincts de chasseur assouvis, respectueux de la ressource halieutique, notre intrépide péchou range conscienscieusement son matériel;

surtout que les 4 kg de barbaque de la bestiole vont nous procurer plusieurs repas....

pendant ce temps, les poissons-volants jaillissent des étraves en éclairs d'argent, et retournent à leur élément après un rase-vagues de quelques dizaines de mètres;

certains spécimens particulièrement audacieux (et peut-être même moqueurs) vont jusqu'à se jetter dans notre cockpit;

mais ils sont irrémédiablement remis à l'eau.

demain matin , si tout va bien, nous arriverons à Dakar.