après Mindelo et son intense vie sociale, retour à des escales plus indolentes. La traversée entre Sao Vicente et Santo Antao est vite avalée sous génois seul , poussés par un alizé qui atteint 30 noeuds par effet venturi dans le couloir entre les 2 iles.

Nous mouillons au pied de la montagne, devant le petit village de Tarafal.

Ce soir, c'est scéance de ciné à bord, sur l'ordi à Tintin;

au programme, "la môme", un film poignant qui retrace la vie d'Edith Piaf; je vous le recommande, c'est bouleversant!

Mercredi matin, le soleil émerge de la montagne vers 9h15;

pour débarquer se balader sur l'île, point de quai, ni de wharf, ni de quoi que ce soit de commode, c'est "rodeo dans les rouleaux"' de la plage..... humide....

les maisons du village sont de pierre à toits en feuilles de palmiers, et les rues en sable.

il y a aussi quelques maisons en blocs de béton genre parpaings, mais fabriqués sur place avec des moules sommaires;

rapidement nous "échouons" chez Jorge et Maria;

une terrasse avec 4 tables, 2 haut-parleurs qui diffusent beaucoup trop fort une musique locale récente ( c'est leur fille de 15ans, une très jolie mûlatresse à zyeux verts qui règle le son....); l'ambiance est sympa; Jorge possède quelques rudiments d'espagnol qui, associés à nos rudiments de portuguais permettent de communiquer.

C'est décidé, nous n'irons pas , à grands frais, dans le nord de l'île comme nous l'avions envisagé, nous restons ici.

au déjeuner, repas typique cap-verdiens composé de riz et poissons;

ensuite, c'est balade dans l'arrière pays, guidés par "Calou", un copain à Jorge;

Calou parle créole, comme tous les Cap-verdiens, mais il a plus de mal avec le portugais et c'est plus difficile de communiquer avec lui;

néanmoins, il est très gentil et connait bien son village; il nous balade tout l'après-midi, nous détaillant le nom de chaque plante, chaque arbre, les membres de sa famille, ses copains, ... enfin un max de trucs captivants....

ici, il y a de l'eau;

elle coule de la montagne, puis est canalisée par tout un réseau de canaux qui irriguent avec efficacité les cultures en espaliers qui jalonnent la vallée et donnent à bouffer à tout ce petit monde; ce système est très efficace, et il pousse ici une grande variété de "machins qui poussent" ( j'y connait rien en culture...) des ignames (au début je croyais que c'était une bestiole), des patates douces (bonjour la douceur d'une patate...), du maïs( savez vous ce que c'est qu'un paysan avec un fusil dans un champ de maïs? un céréale killer ), du manioc, des tomates , des mangues, des goyaves, des bananes et toute cette sorte de coetera et coetera....( je ne voudrais pas essayer de vous faire croire que j'ai retenu la liste de tous les trucs qui poussent ici, et dont au sujet desquels vous n'en avez pas goûté la moitié, sauf les tomates...); sinon, question agriculture, y font aussi d'la vache pis d'la chèvr, et pis c'est tout!

Et en plus,

et là je requiers votre attention, car on arrive dans le sérieux:

la canne à sucre!

J'en entends d'ici qui commencent à rouméguer "qu'est-ce qui nous fait, l'aut, avec ses cannes à sucre?"

une seconde, j'y arrive:

il y a ici une distillerie; une vraie fabrique de "grogue";

vous savez, c'est le fameux breuvage dont au sujet duquel j'ai peut-être un peu exagéré la dernière fois dans ma description...

ici, ils en fabriquent sous mes yeus ébahis...

j'éspique:

la canne à sucre est broyée au moyen d'une machine éléctrique mue par un moteur alimenté par un petit groupe éléctrogène;

le jus qui en sort est acheminé par un tuyau vers des tonneaux en bois d'arbre ( c'est vous dire si ça respecte la nature tout ça!);

ça fermente, en faisant de grosses bulasses dégoutantes à la surface, puis ça devient de la mélasse.

Ensuite, cette mélasse est distillée dans un alambic de style rudimentaire... et devient, après condensation, une boisson que c'est ça le "grogue"; ça s'appelle ausssi "aguardente" ou, plus communément: rhum.

Le "ponche" est une boisson locale faite de "grogue" additionné de mélasse, avec quelques fruits qui "mijotent" dedans pour donner un goût de fruit!

à un jet de chique du broyeur éléctrique, les gars d'ici ont eu la bonne idée de conserver en l'état l'ancien broyeur mécanique mû par 2 ânes qui tournaient à longueur de journée autour de cet ancestral instrument d'ébriété humaine....

je sais pas vous, mais moi, je trouve là un profond sujet de méditation

sur le chemin du retour, Calou nous présente deux de ses soeurs, et leurs maris, et leurs mômes...

on visite la maison, on s'assied quelques minutes sur la terrasse, on échange 5 mots ( la langue c'est une barrière terrible ) et 6 sourires, et on se casse...

visite de l'église ;

c'est un genre de hangar à toit de tôle avec rien dedans, sauf un autel de bois en cours de nettoyage, non par une vieille bigotte, mais par une charmante jeune femme en minijupe "ras le tabernacle", sûrement très dévote, mais on peut pas savoir, on n'a pas causé....

ce matin, avant de quitter Santo Antao, petite séance de grimpette en haut du mât pour aller refixer la poulie de drisse de spi qui s'était fait la paire après 8 mois de bons services; la manille s'est desserrée petit à petit jusqu'à tomber ...sur le pont!

Nous partons à 9 heures, au moteur, car l'alizé est un peu en panne. Heureusement, vers 15 heures, il reprend du service et nous pousse gentimment vers Brava, notre prochaine escale, 130 milles plus au sud.

Nous avions rendez-vous avec notre ami italien Gerardo, qui devait nous accompagner jusqu'à Brava pour faire des images pour son prochain film documentaire sur les îles (il est producteur de cinéma); mais il n'était pas là, alors on est parti sans lui...

Ce matin, nous avons croisé une baleine et une quatité de dauphins; on en voit très souvent, mais c'est tellement magique d'admirer leurs ballets que tout le monde est sur le pont à chaque fois.

Claire et Tintin ont nettoyé la carène en plongée il y a quelques jours, et le canote glisse tout seul sur l'eau; c'est bien plaisant.

Lors de nos échanges par mail avec mon ami JFP, il n'est pas rare que nous agrémentions nos courtes proses d'une petite charade "faite maison";

je ne résiste pas au plaisir de vous en faire profiter:

- mon premier n'est pas net

- mon deuxième, il y en a plein

- mon troisième est amoureux

- mon quatrième est une lettre musicale

- mon tout, c'est nous en ce moment

Après une journée et une nuit tranquille en mer, nous arrivons, au lever du jour, dans une jolie crique enserrée entre 2 falaises, au nord de la petite île de Brava;

las, malgré la beauté du lieu, le mouillage nous parait inconfortable, et nous décidonsde continuer la route vers Fogo, distante d'une douzaine de milles;

Nous y trouvons un petit port parfaitement apte à recevoir le Catafjord pour une ultime escale de quelques jours aux îles du cap vert;

l'ancre est mouillée dans 4 mètres d'eau claire, et 2 amarres sont envoyées à terre, sur les enrochements de la jetée.

La petite ville de Sao Philippe est très charmante avec ses rues pavées et ses coquettes maisons de style colonial.

Fogo est une île plutôt prospère pour le cap vert;

son énorme volcan qui culmine à plus de 2800 mètres lui procure la pluie nécessaire à une activité agricole soutenue.

ses vignes produisent des vins de bonnes qualités, dont la réputation rayonne sur des centaines de mètres alentour ( j'avais envie de dire des milliers de kilomètres, mais j'ai crains que ça ne fasse un peu fort, tandis qu'avec mes centaines de mètres, je ne prends pas grands risques; disons, pour être juste, qu'on avait déjà bu de ce vin dans d'autres îles avant de venir ici!)

Il se trouve qu'aujourd'hui, c'est Dimanche, jour de boulot pour Malou et moi;

les babordais sont partis se balader .

J'en profite pour démonter le moteur de l'annesque, qui tournait mal depuis quelques jours, et très très mal maintenant tout de suite!

ça m'agace, alors je démonte;

je nettoie, je vérifie, je fous mon nez partout, et qu'est-ce que je m'aperçois-je?: ce moteur est bridé par un vil procédé qui limite la course du papillon de carburateur.

La matinée y passe, mais le moteur donne maintenant ses 15 chevaux ( au lieu des 9 bourriques soufreuteuses d'avant ), et ça , ça fait toujours plaisir!

Même si on s'en fout complètement de toute cette puissance alors que c'est pareil avec 3 chevaux;

ça prouve que nous ne sommes pas encore tout à fait guéris de la maladie "société de consommation"...

mais je ne déséspère pas...

Nous faisons connaissance avec José, prof de math à l'école de Sao Philippe;

il est venu au bateau à la nage pour faire la causette;

je ne peux résister à l'inviter à monter à bord pour visiter.

nous devisons cordialement;

je démonte mon carbu, tandis qu'il dégouline dans le cockpit....

avec lui, c'est facile, il parle très bien français;

il est convenu de nous revoir demain.

Lundi, nous partons en minibus collectif vers le nord de l'île;

entassés à 18 personnes plus leurs petites affaires dans un véhicule à 9 places, nous découvrons les paysages magnifiques qu'offre la côte très escarpée et plutôt verte par rapport aux autres îles;

ici, pas de goudron; les routes sont pavées uniquement;

c'est moins confortable, mais bien plus charmant.

Après un bon déjeuner de poissons à Mosteiros, nous rentrons à Sao Philippe rendre visite à notre copain José, qui nous raconte longuement son île.

Chaque matin, une dizaine de jeunes pêchent à la senne avec leur barque en bois de 5 mètres, à l'intérieur même du port;

2 ou 3 d'entre eux se mettent à l'eau avec masques et palmes, et indiquent aux autres où se touvent les poissons ( genre sonar humain si on peut dire );

la senne est ensuite promptement déployée, puis halée à bord avec ses quelques kilos de poissons;

ainsi, ils ne deviennent pas riches, mais ils nourissent la famille...

dans 2 jours, nous appareillons pour le Brésil; quelques préparatifs pour la traversée, demain le dernier appro de vivres frais, un dernier passage au cyber café pour les mails, et jeudi nous prendrons la direction de Fernando de Noronha;

ce sera ma 11ième traversée de l'Atlantique en voilier; Malou, sa 10 ième, Claire, sa 6ième, et Tintin sa première