Autant notre séjour à Dégrad Stoupan a été peinard, autant le retour vers Dégrad des Cannes a été laborieux; les hélices ayant été grattées tant bien que mal dans l'eau marron du Mahury, ça marche pas trop mal; nous descendons tranquillement le fleuve avec le jusant lorsque nous arrivons sur un filet de pêche muni de petits flotteurs peu visibles, et qui barre toute la rivière! En quelques minutes, la coque tribord est empétrée dans un bourrier de câbles en nylon, de petits flotteurs en mousse et de filet fin; ça s'est emberlificoté partout: quille, arbre d'hélice, gouvernail, hélice. Les propriétaires du bazar arrivent avec leur pirogue et leur mauvaise humeur, et je leur fait rapidement part de mon mécontentement; après ce petit échange d'amabilités, nous nous mettons à l'ouvrage pour sauver ce qui peut l'être du filet, et débarasser la coque de ce merdier; plus d'une heure de boulot en apnée (mais pas en une seule fois.....) Fort heureusement, la journée se termine très agréablement devant une bassine de punch planteur et quelques bouteilles de vin partagés avec nos amis Dominique et Michel du Dynamique 52 "locacita-thilda", ainsi que Céline et Alain qui naviguent avec leurs 5 enfants (dont 4 garçons.....bonjour l'ambiance....)à bord d'"Eloane", solide ketch en acier de 17 mètres; nous fêtons, comme chaque 5 Octobre, un évènement mineur dont je ne souviens plus de l'origine, mais qui nous fournit toujours un bon prétesque pour boire des coups avec les amis.

Dès 8 heures le lendemain matin, Malou, mal au crâne, moi, pas un brin de jeu, nous dérapons l'ancre, direction les Iles du salut, à 40 milles d'ici. Navigation de touristes: grand soleil, et petit vent portant. A 16 heures, l'ancre tombe dans la baie des cocotiers, Ile Royale, juste derrière le cata "Genesis" équipé par Nathalie et Ghyslain, invariablement accompagnés de leur troupeau de 3 filles et un garçon; ils connaissent aussi la coutume du 5 octobre ( c'est Malou qu'a cafté ), et c'est en leur compagnie que nous passons la soirée.....

Lundi est consacrée à la visite de l'Ile Royale: c'est une pure merveille! quelle beauté; un petit chemin ombragé permet de faire le tour de l'Ile; nous y rencontrons une multitude de singes et d'agoutis qui se disputent les noix de cocos de leurs repas; il sont ici en abondance, car la végétation exhubérante inclue de centaines de cocotiers. En observant la mer, à proximité immédiate du littoral, on distingue fréquemment la tête d'une tortue qui émerge quelques secondes avant de plonger dans les rochers, probablement en quête de quelque gâteries roboratives ....un seul endroit pour se baigner: l'anse Le Goff; ailleurs c'est dangereux à cause des courants, des rochers très glissants et des requins; au siècle dernier, lorsque le bagne abritait ses "invités", les abords des îles étaient infestés de requins qui se nourissaient grassement des déchets et des corps de bagnards jetés à l'eau à chaque décès (on n'enterrait que le personnel pénitentiaire); actuellement il semble qu'il y en ait beaucoup moins; quand aux bagnards, on n'en a pas vu la queue d'un non plus. Reste cependant de nombreux vestiges de cette funeste époque; on peut, en particulier, pénétrer dans les cellules des réclusionnaires, et y méditer sur l'étonnante capacité du cerveau humain à inventer des saloperies pour pourrir la vie de son prochain.

Un hôtel et un restau ont été aménagés dans l'ancien "mess des surveillants", cependant que le "quartier des directeurs" est aménagé en musée; c'est un peu bizarre la juxtaposition de ces installations de villégiature et de ces ruines pesantes de haine et de souffrances presque encore palpables; cependant, rien ne saurait minimiser l'immense beauté de ces lieux.

Rien d'étonnant, donc, que, depuis 5 jours que nous sommes ici, nos journées se passent en balades sur les îles ( sauf l'"ile du diable"qui est interdite d'accès le temps que soit restaurée la case de Dreyfus), avec toujours, quand même 2 à 3 heures de bricoles par jour, pour entretenir ou améliorer. On ne se lasse pas de l'époustouflante beauté des paysages, qui, malgré leurs interêts, sont loin d'être envahis de touristes; quelques dizaines de personnes passent ici quotidiennement, arrivant le matin de Kourou par bateau , et repartant le soir; quelques personnes séjournent à l'hotel; les plus hardis "robinsons" dorment dans des hamacs entre 2 cocotiers; bien sûr, l'afflux est nettement renforcé le week-end, mais ça se limite à quelques centaines de personnes.

Samedi: Malou a tenu à organiser un goûter/crêpes à l'attention des "Genesis"; aussi, cet après-midi, le Catafjord trépide-t-il des gesticulations et cris de ces 3 petites chipies et leur frère; du bonheur à effet "kiscoule": c'est supersympa pendant, et encore superbon quand ça s'arrête....

je me suis encore autorisé une petite corvée de carénage avant de repartir d'ici; c'était pas du luxe; ça pousse tellement vite dans ces eaux chaudes, qu'un bon grattage est nécessaire toutes les 2 semaines maximum; j'ai hâte de pouvoir mettre sur les coques un bon antifouling efficace; pour le moment, nous n'avons pas reçu la visite de requins pendant les baignades et apnées autour du bateau; pourtant ils ne sont pas très loin car les pêcheurs en ramènent parfois.....inch allah