Des îles du salut à la bouée d'atterissage du Maroni, la nuit a été calme, baignée par la réconfortante lumière de la lune. Sous génois et artimon, Catafjord navigue dans un champ labouré de la veille! c'est, en tout cas, l'impression que ça donne; le jusant du Maroni, chargé d'alluvions, rencontre les 20 noeuds de vent d'est pour former un clapot marron qui donne à l'estuaire ce look agricole. Le courant est fort, et, étant donné l'heure, nous sommes assurés de l'avoir dans le pif pendant plusieurs heures, c'est pourquoi, notoirement sous-toilés, nous franchissons le chenal d'entrée à 1,5 nds, histoire d'attendre la renverse. Une fois dans le fleuve, c'est aux moteurs que nous parcourons les 15 milles qui nous séparent de St Laurent. Juste en face de la ville, une petite île apparait, et nous décidons de mouiller derrière; surprise, ce n'est pas une île mais un épave qui s'est couverte de végétation, telle un énorme pot de fleur rouillé.....une fois l'ancre posée au fond, nous pouvons ainsi découvrir le long des berges plusieurs autres épaves/pots de fleurs qui donnent un charme particulier au lieu (pour qui aime les épaves de bateau, évidemment..., sinon, on peut aussi trouver que ça fait dégueulasse toutes ces épaves, mais, moi, j'aime bien). La ville de St Laurent dégage plus une ambiance de gros village que de ville; les rues sont larges, aérées, et, de nombreux bâtiment coloniaux, dont certains sont magnifiques, lui donnent son cachet. L'endroit est peu fréquenté par les navigateurs; seulement un bateau au mouillage: le "sélection" de Sophie et Roland: il est "instit", et se rend tous les jours à son boulot avec son annexe, à la pagaie, puis à pied 100 mètres plus loin. De l'autre coté du fleuve, c'est le Surinam; le ballet des pirogues qui traversent ne se ralentit qu'avec l'arrivée de la nuit; ici, les vols sont fréquents, et il faut tout cadenasser.

Nous avons fait la connaissance de Damien en ville; après avoir éclusé quelques verres autour de sa piscine, et aussi un peu dans le jaccuzi, il est invité à passer la soirée sur le cata; celle-ci prend peu à peu une allure de "diner de cons" grâce aux intervention de son copain Fabien qui se prête particulièrement bien à nos railleries diverses, et à nos plaisanteries plus ou moins caustiques; nous passons une bonne partie du lendemain samedi toujours avec Damien; mais, cette fois, il est accompagné de ses quatres enfants et de ses 2 épouses: nous déjeunons dans leur immense appart à "vue sur le fleuve", puis, le goûter est pris à bord du Catafjord au grand ravissement des mômes, qui machonnent de la canne à sucre en s'ébattant sur les trampolines.

Lundi, la randonnée en pirogue sur le Maroni, outre la splendeur des berges du fleuve, nous fait découvrir plusieurs villages amérindiens, et y voir vivre les gens. Coté Guyane, ils tirent leur subsistance de la pêche, des "allocs", et du RMI, cependant qu'au Surinam, de l'autre coté, c'est, pêche, culture, et un peu de trafic en pirogue, car tout est beaucoup moins cher là-bas (distance 1,3 km). Pour éviter de se faire intercepter par les autorités françaises, ces malins ont mis au point quelques techniques plus ou moins sophistiquées; l'une consiste à quitter Albina, la ville en face de St Laurent, une douzaine de pirogues en même temps; ainsi, nos vaillants vigiles ne peuvent arreter tout le monde, et, même si quelques pirogues sont bloquées, il en passe tout de même un paquet; une autre technique, encore plus rusée, consiste à y aller par forte pluie, quand nos fonctionnaires sont aux abris.....

Les pirogues, construites à partir d'un tronc d'arbre évidé , puis déformé au feu, sont de 2 types: les "nez pointus" pour aller dans l'estuaire et "couper les vagues", et les "nez ronds" pour franchir les "sauts", c'est-à-dire les rapides avec peu d'eau, dans lesquels elles raclent les cailloux en passant avec de l'élan....et en relevant le puissant moteur hors-bord.

La nourriture de base des villageois Surinamais est apportée par les racines de manioc dont ils tirent des galettes qui sont comme notre pain; leurs habitations sont en bois, avec des toits de feuilles de palmier, ou de bois (bardeaux) ou de tôles ondulées. Quand un homme désire épouser une femme, la procédure est simple: il apporte 2 bouteilles de rhum au père de la fille; si la famille est d'accord, on boit le rhum tous ensemble, et l'affaire est faite; notre homme peut ainsi avoir autant d'épouse qu'il est capable de fournir de doubles bouteilles de rhum, à condition toutefois de changer de village à chaque fois; la règle c'est "une seule épouse dans chaque village"; personnellement, je trouve que, si la fille n'est pas trop moche, 2 bouteilles de rhum c'est pas excessif; ça met même la femme à portée de toutes les bourses.... que je trouve....