Dimanche 8 Février:

notre neveu Erwann est arrivé hier en Guadeloupe avec Anne, et ont embarqués sur Catafjord pour une croisière d'une dizaine de jours; c'est sympa; ça va nous obliger à bouger un peu nos coques qui commencent à se lasser de leur immobilité.....

Depuis que nous sommes à Pointe-à-pitre, c'est comme une parenthèse dans le voyage. Les journées défilent à toute vitesse, partagées entre diverses obligations de maintenance du bateau, et les aller-retour chez Claire, avec aussi, bien sûr, des périodes de "gardiennage" de notre petit "trésor" Enzo. Tout ceci n'est pas désagréable, mais, vécu dans l'actuelle atmosphère de grève, ça me branche moyen.... nous sommes un peu trop immergés, à mon goût, dans la vie citadine et besogneuse qu'ont adopté nos babordais.

Au fait, ils ont presque terminé de débarquer leurs affaires perso, et, du coup, la flottaison de la coque babord a remonté de plusieurs centimètres.

Un des bons cotés de cette escale, c'est que j'ai pu apporter au canote quelques améliorations notables:

- premio: Claire a rapporté de France (où elle était en stage de formation pendant une semaine), un autoradio Pioneer que j'ai vite installé en lieu et place de l'ancienne cochonnerie de marque Scott qui ne nous avait apporté que des déboires: maintenant, dans le carré du cataf, on n'écoute plus de la musique: on est au concert! mes enceintes hi-fi, finalisées depuis Salvador de bahia, peuvent enfin donner leur mesure: somptueux!

- deuzio: j'ai enfin connecté le dessalinisateur au réseau 12 volts du bord; je n'avais pas pû le faire avant car il me manquait du câble de grosse section, et c'est Tintin qui nous en a procuré. Depuis, lorsque les conditions sont réunies, nous pouvons "faire" de l'eau douce de manière totalement écologique, sans brûler d'hydrocarbure, et sans générer de pollution, uniquement avec l'énérgie produite par les panneaux solaires et l'éolienne; magique!

A la faveur de la pénurie d'essence consécutive à la grève, j'ai commencé à équiper notre dinghy, le fameux "newmatic" de chez Rigiflex, avec un gréement de planche à voile. Le premier essai était moyen car je n'ai réussi à évoluer qu'au vent arrière, ce qui est un peu limite; mais les modifs ont été apportées immédiatement, et une nouvelle séquence de tests est prévue dans peu de temps; à suivre.....

La "croisière neveu" débute par quelques milles au près, puis les écoutes sont progressivement choquées pour arriver aux Saintes au grand largue. Ce groupe d'îles situées au sud de la Basse-terre de Guadeloupe est un petit paradis; presque tout y est charmant: la végétation luxuriante, la couleur de l'eau, les habitations basses, coquettes et colorées......nous y faisons de belles balades à pieds, en particulier la montée au fort Napoleon, construction Vauban jamais achevée, qui surplombe la baie et abrite un musée captivant; les iguanes se laissent approcher et posent volontiers pour la photo, alors que les colibris s'avérent nettement plus difficiles à "mettre en boite". Le village est très vivant, mais tout entier orienté vers le tourisme, avec nombre de boutiques de fringues et autres lieux de perdition grands dévoreurs de cartes bleues.....

Au retour d'une de nos escapade, nous trouvons l'échoppe du boulanger encore ouverte; il reste encore un peu de pain, mais point de boulanger; nous patientons gentimment pensant qu'il va revenir.....puis, nous appellons doucement.....après pas mal de minutes, nos appels se font plus pressants et plus forts; tout à coup, notre homme jaillit de derrière une porte l'air hagard et nous dit: "vous m'avez dérangé; j'étais en train de tirer un coup!"; elle est pas commune celle-là! occupé à pétrir d'autres miches qu'il était le gars.....

La traversée des Saintes à la Dominique est agrementée d'un alizé bien musclé: 25 nds établis avec des pointes à 33nds; ça décoiffe bien. Après 3 heures de navigation un peu agitée, nous mouillons dans la tranquille baie de Portsmouth; nous y retrouvons avec grand plaisir notre ami Momo qui navigue seul sur son canote de 9 mètres; il s'est bien fait brasser lui aussi pour venir de Martinique hier. Nous visitons ensemble la rivière indienne, réserve naturelle pleine d'arbres aux racines apparentes ( elles me font penser à un monstrueux plat de nouilles en bois.....); il y a aussi des boas et des perroquets....en tout cas c'est ce que nous dit notre guide car on n'en a pas vu la queue d'un.....Une autre ballade extraordinaire est la visite de majestueuses cascades dont l'une déverse son eau chaude dans des baignoires naturelles entre de gros rochers, au milieu de la forêt tropicale. Nous y pataugeons pendant une heure tellement c'est agréable; ainsi, il nous reste peu de temps pour déambuler dans les rues de Roseau, la capitale de la Dominique ( 20000 habitants ). Le contraste avec les îles françaises voisines est bien net: ici, pas de grève, les boutiques sont ouvertes et les gens s'affairent pour tenter d'acquérir un peu d'aisance dans ce pays plutôt pauvre; on y produit des bananes, des pamplemousses, du rhum,, et on y accueille des touristes qui débarquent par paquets de 1000 au rythme de passage des paquebots ( jusqu'à 10 par semaine).

Lors de l'expédition de déclaration de notre arrivée aux autorités, nous sommes allés en dinghy jusqu'au poste de douane situé dans l'est de la baie, à environ 1 mille du Catafjord; Momo nous accompagne, et tout se passe sans souci. Sur le chemin du retour, alors que nous devisons gaiement sur le programme de notre fin de matinée et la suite, le moteur émet son petit gloussement de celui qu'est pas d'accord et puis s'arrête; devinez quoi: panne d'essence! Je ne sais pas ce qui se passe à l'intérieur de mon ciboulot, mais chaque fois que je mets un peu de carburant dans le réservoir de cette satanée machine, j'ai le sentiment que maintenant, le problème est résolu, et que ce n'est pas pour demain qu'il va falloir en remettre....sauf que, si ce n'est pas demain, c'est après demain, mais, en tout cas, ça revient vite je trouve...... bref, on sort les avirons et lorsque la station service est toute proche, nous voyons, échoué sur la grève, un grand catamaran dont le look me dit quelquechose: eh bien figurez vous qu'il s'agit de l'ancien Elf Aquitaine de Marc Pajot dessiné par Sylvestre Langevin, qui a été transformé en bateau de day charter et qui a dû s'échouer là lors du dernier cyclone, comme plusieurs autres bateaux; je vais voir de plus près: il y a encore à bord la poutre avant que j'avais fabriqué lorsque je travaillais chez Métalu! sympa comme retrouvaille tout de même.....tout ça grâce à ma panne d'essence.

Quelques milles de navigation, et nous voilà à Marie-galante; nous y passons quelques jours dans la douceur et la tranquilité, à visiter l'île de long en large avec notre voiture de location; les habitants sont d'une grande gentillesse et bien cool; de promenades à pied le long des falaises aux plongées en apnée derrière la barrière rocheuse où l'eau est à plus de 30°c, en passant par la visite des distilleries de rhum, nous profitons comme qui dirait des vacances de nos invités.....le retour vers Pointe-à-pître et ses "luttes sociales" (nous savons tous que la vie est une dure lutte...) nous ramène à des préoccupations bien concrètes: sitôt la voilure envoyée, je stoppe les moteurs , le cata simplement propulsé par ses voiles comme d'habitude, et je remarque un bruit anormal et fort, coté babord; je descends, ôte le capot moteur, et je constate que l'accomplement que j'avais rafistolé au Marin est complètement cassé, et que donc, je ne dispose plus que du moteur tribord! ça ne facilitera pas la manoeuvre d'arrivée, et ça me fait un peu de "pain sur la planche" ( ce qui, en définitive, est moins pire qu'un pain dans la tronche....), mais, ainsi va la vie.

la matinée de vendredi est, de ce fait, dévolue à la réparation du bazar; tout l'équipage est parti à terre, et je reste avec mes travaux mécaniques, quand une rafale de vent plus forte que les autres arrache sournoisement l'ancre du fond de vase molle où elle se prélassait et je me retrouve, seul à bord, en travers du chenal des cargos, avec justement un gros bateau militaire qui approche en actionnant frénétiquement sa corne de brume....je m'explique avec son capitaine en VHF; c'est bon, l'homme est compréhensif et s'écarte un peu sans même faire mine d'essayer de m'envoyer par le fond; avec l'aide d'un voisin canadien venu me prêter main forte, nous remettons les choses en ordre, après, tout de même 2 tentatives infructueuses; il aura fallu mouiller 70 mètres de chaine (dans 8 mètres d'eau) pour être tranquille!

je suis parvenu à réparer convenablement l'accouplement; Anne et Erwann viennent de débarquer pour se rendre à l'aéroport , avec le dessein de retrouver dès demain leur contrée glaciaire et la vie trépidante qui va avec.... à chacun ses plaisirs; de mon coté, je ne me cache pas de préférer être "à l'aise", bien portant et au soleil, que pauvre et malade dans le nord pas de calais....