Les jours ne se ressemblent pas et ne se suivent pas non plus: la preuve, la merdique journée du 9 Mars précédait celle du 10 qui, elle, était tout à fait corrèque; alors que, si elle l'avait suivie, ç'aurait été le 11 Mars, et non pas le 9 que je vous cause....cqfd donc, disais-je cette journée du 9 Mars, merci bien: que des emmerdes:

nous quittons Deshaies vers 9h, et envoyons aussitôt la grand-voile à 1 ris, car il y a de la route à faire d'ici à Antigua, et le vent est de 20 à 22 noeuds dans le pif ; jusque là, rien à dire;

- 9h30: la bosse de ris, que j'avais niaisement ( on s'demande des fois.....) laissée en tension, alors que d'habitude je mets toujours un bracelet, cède avec grand bruit

- 13h: le pain, que j'avais préparé avant de partir, et mis à cuire pendant le trajet, lève correctement, puis s'effondre ensuite à la cuisson, signe évident qu'il y a trop d'eau dans mon mélange....trop d'eau! moi qui considère ce liquide comme un des moins comestible que je connaisse ( loin derrière le vin, la bière, le rhum, le génépi, etc.....); quelle gabegie!

-16h: le voyant de charge du moteur tribord s'allume; je le stoppe et me rue sur le compartiment insonorisé dans lequel cette excellente machine vit des heures heureuses d'habitude: la courroie de transmission est déchiquetée; donc, plus de refroidissement car l'alternateur et la pompe à eau sont mus par la même courroie.....

- 17h00: je trouve que notre vitesse est anormalement faible ( entre 7 et 8 nds, alors qu'on devrait être entre 8 et 9 ), et je me rends à l'avant pour jeter un coup d'oeil circulaire ( je préfère, car, avec les coups d'oeils carrés, on risque toujours de s'eborgner avec les angles.....), et je constate que l'ancre s'est détachée de son support et a filée sous le bateau avec une trentaine de mètres de chaine..... évidemment, ça fait pas aller plus vite

- 18h00: on arrive dans le mouillage bien encombré de Falmouth Harbour ( "harbour", ça veut pas dire qu'on y rentre en marche arrière...., c'est de l'anglais ); nous devons nous y reprendre à 3 fois pour mouiller correctement, sous l'oeil goguenard d'un vieux couple d'anglais occupés à siroter leur whisky

- 19h00: Malou s'affaire à michoter un petit frichti ( une de ses occupations favorites; vous verriez le temps qu'elle y consacre: impressionnant; une passionnée je vous dis! pas étonnant qu'elle excelle dans cette spécialité....), quand tout à coup soudainement, le néon de la cuisine rend l'âme et Malou termine son festin dans la pénombre...

- 21h00: une tisane et au lit..... et ben, c'est pas fini: mon livre de chevet, l'excellent "les aventures de Jack Aubrey" de Patrick O' Brian a été totalement trempé par une fuite au capot Lewmar qui est au dessus de ma couchette

heureusement, il y a aussi eu de bons moments dans cette journée; par exemple, au déjeuner: déguster le cassoulet préparé par Malou tout en admirant le volcan de l'île de Montserrat qui défile à quelques milles sur babord; cette soufrière était considérée comme endormie jusqu'en 1995, date où elle s'est mise à vomir sa lave au point d'ensevelir totalement la ville de Falmouth construite en contrebas; depuis, le volcan n'a cessé de produire tous ces trucs brûlants que les volcans font jamais rien qu'à produire.

Falmouth harbour est un hâvre formidable; sa marina moderne accueille des canotes fabuleux dont certains dépassent les 200 pieds de long; inox étincelants, vernis rutilants, équipages "tous habillés pareil": la classe! nous nous rendons à pied à English harbour pour accomplir les formalités d'entrée; nous sommes vraiment ici au paradis du yachting. Nelson's dockyard est un magnifique exemple d'adaptation originale d'un lieu historique; la plupart des bâtisses de cet ancien port de guerre ont été rénovées, et affectées à des activités modernes en rapport avec leur glorieux passé, et tournées vers le nautisme. Ca fait un peu genre côte sud de l'Angleterre sous les tropiques; un musée retrace l'histoire du pays et celle de l'amiral Nelson ( y semblerait que c'est lui qui a brulé notre Jeanne d'arc.....pas bien galant comme garçon; on dira ce qu'on voudra, c'est pas des façons; il se murmure que ce serait le gars Horatio qui aurait confirmé la virginité d'icelle grâce à un indice: pendant la combustion, y avait pas de tirage.....).

Le mélange de ce site chargé d'histoire, de soleil, de marine me comble d'aise; bien qu'étant loin d'avoir une attirance immodérée pour la gent albionesque, je me sentirais presque chez moi ici....et, en plus, on reçoit la wifi à bord au mouillage!

Vendredi 13: jour de chance; bon, d'accord, j'ai passé toute la matinée à tenter de faire fonctionner une cochonnerie d'ampéremètre éléctronique, sans succès, mais bon, c'est pas le sujet. Le sujet, c'est que j'ai réussi à faire le meilleur pain que j'aie jamais fait de ma vie! vous m'objecterez que je n'en ai pas fait des masses pendant les 55,5 premières années..... c'est pas faux; mais, depuis quelques temps, j'ai bien accéléré la cadence au niveau pain; et là, je vous le dis, on touche au but ( comme disait un copain proxo.....): la consistance souple, le goût savoureux, la couleur, l'odeur, la texture de la croûte: tout y est! ma recette, ça y est je la tiens ( comme disait la jeune mariée ). Peut-être devrais-je la diffuser sur internet? c'est vrai, mettons qu'une maladresse ou un coup du sort vienne à endommager la feuille de papier sur laquelle j'ai couché la recette de cette écriture à la fois souple et énérgique, bien que non dénuée de fantaisie qui me caractérise ( vous pouvez pas savoir, sur un ordinateur ça se voit pas), si disais-je donc le papelard venait à être bousillé, la recette serait perdue pour l'humanité toute entière.....trop risqué; je vais la noter en post-scriptum; comme ça, l'immense majorité de ceux qui s'en tamponnent ne la liront pas pis c'est tout! De toutes manières, pour faire le même pain que moi, y faut la même machine que moi.....et ça, c'est pas tout le monde.... bon, allez, juste un indice: la publicité de la marque c'est: "tiens voilà mon seb, seb seb....."

Dimanche; rencontre originale: flanant à pied le long de la route, Malou s'arrête pour cueillir des oranges, ou ramasser des graines insolites pour en faire des colliers solides; un colossal monsieur tout noir avec une pelle à la main s'approche de nous et commence à discuter: c'est le fossoyeur qui a envie de bavarder avec des vivants de temps en temps, et là, c'est tombé sur nous; il oeuvre seul, tous les jours, creusant le sol avec sa pelle pour y loger les "fundal homes" de ses clients.....il en a 2 aujourd'hui; voilà un gars, quand y vous dit "au revoir", on peut pas s'empêcher d'avoir un petit pincement.

recette du pain:

- eau: 255ml

- sel: 1,5 cuiller à café

- huile: 1,5 cuiller à soupe

- farine: 465 gr

- levure sèche: 1 cuiller à café