Dimanche 18 Avril; arriver à Hiva Oa après une jolie traverrsée, nous l'avons désiré, souhaité, voulu, préparé, et, pour finir, nous l'avons réalisé. Nous devions forcément atterir ici, près du village d'Atuona, car c'est un lieu d'entrée obligatoire dans l'archipel. La baie de Tahauku, aboutissement dans la mer d'une vallée encaissée entre des coteaux abrupts et verdoyants, est charmante; cependant, elle est peu profonde et la houle du large y rentre comme chez elle. La place étant comptée derrière la courte jetée, nous mouillons à l'extérieur; c'est pas un lac! nous sommes ballotés en permanence. Nous y resterons tout de même plusieurs jours. Beaucoup de choses intéressantes à voir ici; nous commençons par la visite du musée Gauguin, suivie par un moment de poésie cueilli à l'espace Jacques Brel. Incontournable visite de leurs tombes au cimetière qui surplombe le village. Les gens sont bien cools et bien souriants ici; les quatre kilomètres qui séparent la baie du village sont presque toujours parcourus en auto-stop, et il se trouve à chaque fois quelqu'un pour nous emmener. De même pour aller visiter le site archéologique de Taha'a, huit kilomètres dans l'ouest d'Atuona. Après une grimpette de deux kilomètres par un chemin bétonné, dans la forêt, nous atteignons d'impressionants vestiges de maraë, ces espaces sacrés où se déroulaient les céremonies religieuses; on peut y voir de fascinants petroglyphes et des tikis de pierre. Hiva Oa possède une grande quantité de ces traces de civilisations antiques, mais le site de Taha'a est l'un des plus important de toute la Polynésie. Enchassé en pleine forêt tropicale, à flanc de montagne, au milieu d'arbres de plusieurs dizaines de mètres de haut, c'est un lieu tout à fait mystérieux et émouvant. Sur le chemin du retour, notre sac à dos s'emplit doucement de bananes, papayes et citrons cueillis directement aux arbres de la forêt. L'ambiance entre équipages est bien conviviale à Atuona. Les gens arrivant ici après plusieurs semaines passées en mer sont enclins à une certaine amabilité envers les autres navigateurs. Nous avons retrouvé nos amis Danièle et Roger, équipage canadien du cata "Chocobo". Nos réunions se prolongent toujours démesurément tant nous avons de sujets de conversation communs. Et puis, ils nous donnent de fabuleuses leçons d'accent canadien et nous enseignent de savoureuses expressions anglo-françaises; comme "riffer la mayne" pour dire de réduire la grand-voile......

Vendredi, nous sommes conviés par Nicole, la gentille hotesse de l'office de tourisme, à assister à une séance d'entrainement de son club de danses marquisiennes; ils préparent un ballet avec une quinzaine de danseurs-danseuses pour la kermesse qui aura lieu dans deux semaines; c'est très beau et poignant : les tam-tam de 1m70 de haut, frappés avec force, vous font comme un massage abdominal; les hommes scandent des sons graves et puissants accompagnants leurs mouvement amples et déterminés, cependant que les femmes trémoussent leurs majestueuses assises dans ce mouvement typique façon "vahiné", qui vous mettent les pupilles sur orbite.....

Fatu Hiva, mardi 27 avril; 45 milles dans le sud-sud-est de Hiva Oa est l'île de Fatu Hiva, la seule des Marquises dépourvue de piste d'aviation. Arrivant dans un nouvel endroit, ma fonction de capitaine implique une responsabilité qui oriente singulièrement mon regard et le porte plus volontiers sur les aspects techniques du mouillage que sur la contemplation des probables beauté du lieu. C'est la raison pour laquelle, arrivant à Hanavave, l'époustouflante magnificence de cette "baie des vierges" ne m'a sauté au museau qu'une fois les nécessaires opérations de mouillage dûment effectuées; aussi, l'éclairage de l'après-midi est plus propice à mettre en valeur ce tableau en 3D; devant nous, la vallée; un capuchon nuageux coiffe le sommet de la montagne; de chaque coté, les pentes, couvertes de végétation tombent verticalement dans la mer. Un frange d'écume blanche contrastant avec les roches volcaniques noires, délimitent les deux domaines: le solide et le bleu. Au premier plan, entre l'anse et la vallée, derrière une petite plage de galets bordée de cocotiers, quelques imposantes roches se dressent au ciel sur des hauteurs insensées, comme d'énormes tikis naturels; l'eau de la mer est limpide et chaude; l'Eden peut-être.....

En supplément, le bonheur des retrouvailles avec quelques amis rencontrés auparavant: Nathalie la martiniquaise et Patrick à l'accent qui chante, naviguent à bord d'un joli Casamance qu'ils ont racheté à Daniel et Annie, d'autres amis installés en Martinique depuis des lustres; le lendemain, Pascale et Nicolas arrivent, pas peu fiers d'avoir réussi, avec leur supermaramu "Badinguet", la traversée en quinze jours et demi! La joie de retrouver aux escales des amis quittés quelquefois depuis longtemps constitue un des nombreux plaisirs de notre mode de vie actuel, avec, pour corollaire, une bonne petite teuf qui donne parfois l'occasion de connaitre d'autres vagabonds des mers. Ici, ce sera Karine et Olivier, accompagnés de leurs équipiers Marion et Antoine, à bord du cata "bicoque", qui rejoignent le clan des qu'on a plaisir à retrouver. A terre, beaucoup de gentillesse de la part des Marquisiens; Nadia et Pascaline nous abordent dans la rue pour nous inviter à partager leur pique-nique; Pascaline allume un feu de bois sur la grève, et Nadia rapporte le fruit de l'arbre à pain et la carangue qui y cuiront pendant qu'elles confectionnent des "assiettes" avec de larges feuilles d'arbres; une salade aux langoustes et du poulet grillé avec du riz, rapporté de chez elles complètent ce festin qu'elles nous offrent par pure gentillesse; juste pour faire connaissance....

Mais, que l'on se rassure, tout n'est pas qu'idyllique; un petit ennui, pas piqué des vers de vase, va tempérer un peu toute cette félicité et m'occuper utilement durant presque 2 jours; le super guindeau Quick Dylan, dans lequel nous avons investi une somme rondelette il y a moins d'un an, est tellement ravagé par la corrosion qu'il en a perdu une partie de son éfficacité; je suis forcé de le démonter en partie, et d'en supprimer des morceaux pour les remplacer par des que je fabrique moi-même à bord dans des matériaux mieux adaptés; les ingénieurs de Quick semblent ignorer que le contact entre l'inox et l'alu en milieu marin provoque des catastrophes très rapidement. Mais, bon; ça y est! ça remarche correctement; j'ai préparé un belle lettre à l'attention du fournisseur pour exprimer notre satisfaction et demander réparation; Malou se charge de la faire suivre....et de réactiver.....travail d'équipe

Dimanche 2 Mai; la maison de Jean-Paul se situe juste en face de l'école primaire; ordinaire, coquette, avec une pelouse entretenue devant. Derrière, sous "l'extension", charpente bois, toit de tôle, je suis allongé sur un banc, un oreiller sous la tête. Malou est à coté, assise sur une chaise de jardin en plastique. Ma hanche arthrosée me travaille sévèrement; Jean-Paul, l'artiste, est à l'oeuvre; il promène sur mon mollet gauche son outil de "torture", piquant dans ma vieille carne pour y injecter l'encre de chine qui imprimera, à vie, sa création: dans un cercle figurant la planète terre, trois emblèmes, qu'il a crée, représentent, la force, la paix, l'amour; l'ensemble est enrichi de motifs polynésiens, dont la très gracieuse croix Marquisienne; le programme de ce Dimanche matin: tatouage sur mon mollet gauche d'un motif choisi par Malou et réalisé par Jean-Paul, un des meilleurs tatoueur de la région. Très content et très fier du résultat, je m'empresse, comme un gamin, d'aller exhiber ma nouvelle déco devant nos amis; du coup, JP se retrouve au boulot tout l'après-midi; la grande qualité de son travail et l'originalité de ses créations ont séduit plusieurs de nos amis qui vont, à leur tour, se faire "torturer" à l'aiguille: une imposante raie manta sur le puissant biceps de Nicolas, et un gracieux dauphin sur la délicate cheville de Pascale, entre autres. Pour cloturer ce beau Dimanche, mon pote Olivier me rejoint à bord avec son banjo et nous musiquons tous les deux; quel musicien celui-là; je me sens bien gauche à coté de lui.....y'a du boulot; je peux en passer des heures à bosser mon sax.....entre deux opérations d'entretien