Jeudi 9 Septembre; reprise de l'activité "je visite la Polynésie". Au programme, une croisière de quelques jours en compagnie de nos amis Marie-Jo et Loïc, direction Moorea. La vingtaine de milles qui nous sépare de la baie d'Opunohu, sur la côte nord, est parcourue en une poignée d'heures, en grande partie au moteur pour s'extraire du déventement de Tahiti.

Nous sommes Jeudi, ce n'est pas le week-end, et donc, les baleines "à bosses".....nous approchons à une centaine de mètres d'une dame cétacé qui bat les vagues avec sa queue de plus de 3 mètres de large, cependant que son turbulent rejeton se propulse hors de l'eau pour retomber sur le dos en une somptueuse gerbe d'écume. De temps en temps, un petit nuage de brume fait "pchout": c'est maman la baleine qui soupire. Nous terminons le trajet en faisant nos gros fénéants et en n'envoyant que le génois, alors qu'il n'y a même pas quinze noeuds de vent; résultat, on se fait dépasser par un pauv monocoque de 42 pieds battant pavillon anglais.....je sais, y'a pas de honte, mais tout de même, un anglais, c'est pas des trucs à faire.....bref, ranapété, car le mouillage d'Opunohu est superbe et Loïc a apporté du bon vin.

Vendredi 10 Septembre: nous commençons à profiter de l'augmentation de convivialité de notre cockpit nouvellement latté en y prenant le petit déj. Quelques minutes de "bricole" pour rafistoler le groupe d'eau tribord qui agonise dans des gémissements déchirants, et nous partons en dinghy vers l'ouest pour une plongée mémorable. Un peu de slalom entre les patates de corail, facilité par le balisage à usage touristique, et nous arrivons sur le site, heureusement peu fréquenté à ce moment précis. Immersion; brrrr, elle est plutôt froide, environ 24°; et c'est un festival de raies ( comme aurait dit Madame Claude.....). Habituées à être nourries par les guides qui amènent ici leurs flots de clients, des dizaines de raies pastenagues évoluent autour de nous et se laissent caresser le dos. Avec le reste de la population locale composée de remoras, requins pointes noires (d'environ 2 mètres), divers chirurgiens et autres carangues, le spectable est fascinant. Mais voici les promène-clampins qui arrivent avec une centaine de bipèdes armés d'objectifs auto faux-culs; il est temps de remonter dans le newmatic pour rejoindre notre bord.

Samedi 11 Septembre; randonnée à pieds dans la montagne, au fond de la baie d'Opunohu. Paysage de style très "marquisisen": verdoyant et vertical. L'approche du fond de baie, très profonde et peu habitée, s'apparente à un canotage du Dimanche sur le lac d'Annecy. Petite visite au lycée agricole pour goûter les produits locaux: confitures d'ananas, sorbet corrosol, jus de goyave, et toute cette sorte de choses.....Vers 17 heures, l'équipage revêt ses tenues d'apparat pour descendre à terre: nous sommes invités au pot de mariage de Maria et Franco, jeunes argentins magnifiques, embarqués en qualités d'équipiers sur le sublime yawl en bois classique "Nordwind". Le propriétaire allemand est absent du bord, et les trois membres d'équipage disposent du canote. Franco en a profité pour inviter son amoureuse,....et la demander en mariage! elle a dit "oui"; c'est aujourd'hui. Ils ont conviés tous les équipages présents dans la baie ( quatre bateaux ), à vider quelques cannettes pour saluer l'évènement et trinquer à leur éventuel bonheur. Ca parle Espagnol, Anglais, Français, et un peu tahitien.

Aujourd'hui Dimanche, le vent souffle fort, et la mer est mauvaise. Nous ne quitterons pas le mouillage; Loïc et Marie-Jo prendrons le ferry pour rejoindre Tahiti, et être au boulot demain matin de bonne heure et de bonne humeur. Nous qui ne sommes pas préssés décidons d'attendre une météo plus clémente pour déplacer le palace.

Mercredi 15 Septembre; ras le bol de cette météo merdique! ça fait maintenant trois jours que nous avons de la pluie, ou du vent fort, ou les deux ensemble. Bien nous a pris de rester à Opunohu, car les nouvelles des copains restés à Taina sont un peu moroses; plusieurs bateaux ont subis des désagrements du fait du mauvais temps, et l'un deux a même coulé après avoir cassé son mouillage et dérivé sur le platier corallien. Nous en profitons pour mettre à jour quelques détails bricolatoires à l'intérieur du canote; ce matin, j'ai travaillé une heure et demie ( on ne souris pas, merci ) en plongée pour remplacer les anodes d'hélices et de lignes d'arbre; un gros tétrodon curieux me tournait autour cependant qu'un remora ventousait tranquilou derrière l'aileron de dérive tribord semblant lui dire: "toi, le porc-épique, t'es trop con".....puis, il s'est décollé trente secondes pour venir me reluquer sous le nez avant de s'en retourner prendre la pose, vissé sous le fond de coque avec son allure de modèle réduit de requin en silicone ( car né....). La pluie a, pour nous, un avantage appréciable: elle permet de remplir nos réservoirs par l'entremise des récupérateurs d'eau que j'ai installé sur les nouveaux toits de cockpit, préservant ainsi le dessalinisateur dont les membranes au remplacement très onéreux ont une durée de vie limitée.

Retour sur Tahiti

L'escale de Papeete est propice aux rencontres et retrouvailles; ainsi nous avons la joie d'apprécier quelques heures durant la compagnie des très naviguants "Maiken et Christophe" qui sillonnent les mers avec leurs deux marmots à bord de "Téou", le joli cata "Looping 16" qu'ils ont construit de leurs mains. Ce canote particulièrement rapide les a menés jusqu'ici après un crochet par l'Alaska, ce qui n'est pas banal. Puis c'est une soirée à bord de "La Mandragore", avec le récit captivant de Jullien, pilotant l'hélico en carton de son pote Mathieu Kassov, pendant que nous savourons la bonne cuisine d'Agnès; ils ont quitté la France à la même période que nous, et nous aurions pu nous rencontrer bien avant, mais voilà, c'est pas comme ça pis c'est tout! Question boulot, après des tas de tergiversations et interventions bâtardes, je me suis enfin décidé à remplacer la tuyauterie d'eau chaude qui nous a empoisonné la vie des mois durant. Espérons qu'on n'y revienne pas avant longtemps (inch'allah)...je suis assez impressionné par l'importance que revêtent les problèmes à base de tuyaux dans une vie humaine et conjugale.

Nous recevons à l'instant un mail de notre ami Henri ainsi intitulé: "salut les amateurs de travaux jamais finis"; je suis interloqué! je m'insurge avec viguourosité et déterminationnement contre cette appellation aussi incongrue qu'inexacte simultanément que parfaitement fausse et inadaptée, pour ne pas si j'ose dire "y'a erreur!". S'il est manifeste que nous passons précisemment "un certain temps" à occuper nos doigts et deux/trois neurones à quelques tâches diverses et variées, il ne s'agit en aucun cas de "travaux jamais fini", que nenni point, au contraire, bien au contraire et inversement. Je distinguerais volontiers trois sortes de cas, dont un confine, par essence (du super uniquement), à la définition de notre "Riton", mais ça, c'est le lot du marin: ce sont les travaux d'entretien du barlu; c'est certain, ceusses-là ne sont jamais terminés ( ça m'inspire un nouveau proverbe: "le marin qui se réveille un matin avec aucun travail à faire sur son canote, c'est qu'il est mort"). Je n'en suis pas un fan inconditionnel, mais nos revenus ne nous permettent pas de sous-traiter ces aimables occupations, et les divers nettoyages de filtres, remplacement de courroies et autres vérifications de niveaux me reviennent de plein droit, et je ne laisserais jamais un copain faire ça à ma place, ou alors il faudrait qu'il me le demande très gentimment ( en offrant l'apéro en même temps par exemple....., mais ça.....). Et puis, comme dirait une ministre des finances de mes amies: "pendant ce temps-là, t'es pas au bistrot"....Sinon, les autres travaux ne sont absolument pas "jamais fini"; la preuve, un jour arrive où ils sonr rayés de la liste, et ça, ça se mérite; je m'interdis en effet formellement de rayer une ligne si le boulot correspondant n'est pas intégralement terminé. Non, vraiment, à bord du Catafjord, les travaux ne sont certainement pas "jamais finis", je les qualifierais plutôt de "toujours renouvellés".... c'est différent; j'entends par là que, dans notre quête permanente du canote d'exception, celui à bord duquel on est mieux que bien, et dont au sujet duquel les copains sont pantois, et leurs épouses muettes d'admiration ( qualité oh combien appréciable chez une dame....), sitôt une page de travaux complètement biffée, mon imagination m'en susurre une autre ( c'est sympa comme mot "susurrer"....), composée de "suggestion de travaux", laquelle, une fois soumise à la raisonnabilité et au bon sens de Malou, ainsi qu'à une légère autocensure, se transforme en "travaux à faire". Tout ceci pourrait laisser à penser que nous soyons des amateurs de travaux, alors qu'en réalité, ce que nous sommes, c'est des amateurs de "résultats des travaux", ce qui est éminemment différent vous en conviendrez.

Quand à mon ami Nazairien, "Dédé mon pote riz", qui évoque, dans une récente missive, la notion d'"apéro plus ou moins justifié", je péciserais simplement que, pour un amateur, un vrai, dans le sens noble du terme, un apéro quel qu'il soit n'appelle aucune justification particulière; ayant sa propre raison d'éxister, il est, par le fait, automatiquement et systématiquement autojustifié, et c'est un peu pour ça que nous lui portons affection. Le terme d'apéro plus ou moins justifié constitue ainsi un genre de pléonasme doublé d'un coupable illogisme qui pourrait bien avoir trouvé son origine au tréfond d'une boite crâniène en déficit d'irrigation apéritive; médite bien ceci mon copain, et, à la tienne!