Dimanche 23 Janvier; le temps n'a pas été très clément ces derniers jours; beaucoup de pluie, ciel triste et orages violents. Petite consolation : ça remplit nos reservoirs d'eau gratos, sans utiliser le déssalinisateur...... L'envie de filer sur Huahine nous titille; tablant sur une amélioration des conditions météo, nous quittons la baie de Cook et son médiocre mouillage à fond de vase, au petit jour, pour une prudente journée de navigation; un peu sous-toilé, et avec l'aide des moteurs, nous arrivons en fin de journée pour immerger la pioche derrière le grand motu de la côte Est de Huahine: Murimahora! Ici, c'est la totale: pas de clapot mais tout de même assez de vent pour actionner l'éolienne, un fond de bonne tenue sous 5 mètres d'eau turquoise, un paysage de carte postale accessible par un chenal dûment balisé avec quelques patates de corail faciles à contourner de jour. Une route permet de faire de belles balades à biclous sur Huahine Iti.

Lundi 24 Janvier; début de semaine un peu sportif, malgré un lever tardif; on commence par une petite séance de plongée, qui ne nous laissera pas un souvenir impérissable; les fonds sont ici moins jolis et moins poissonneux qu'à Moorea. A force de voir tant de magnifique, nous avons tendance à devenir un peu difficiles ces derniers temps...Après le déjeuner, les vélos sont de sortie pour une petite virée de reconnaissance. Le ruban d'asphalte tantôt borde le lagon, tantôt s'enfonce dans la forêt et dans la montagne simultanément, au prix de raidillons que nous n'hésitons pas à gravir à pieds en poussant nos modestes machines à 2 roues, tant il est vrai que, question pédales, on n'est pas des flêches.....Ceci étant, un tour de roues en amenant un autre, la virée se mute bientôt en un tour complet de l'île, ce qui nous fait 27 kilomètres; je sais, c'est pas des masses, mais je vous le redis, on n'est pas Poulidor ( ni Yourcenar qu'a jamais gagné le tour de France non plus, comme Brunot Lochet.....). Et puis, les cieux sont bien cléments avec nous aujourd'hui, ce qui fait que les Kaouais resteront tapis comme des morveux au fond du sac. Les autochtones, bien loin de l'agitation de Tahiti, ont le sourire facile et la gentillesse prête à bondir.

Mardi 25 Janvier; Motu Murimahora qui nous abrite du vent et des vagues depuis 3 jours, nous offre ce jour un couple d'amis. Un trio devrais-je plutôt dire, car Candie et Augustin ont un petit garçon de 4 ans, Reiatua. Ils vivent ici dans leur maison nichée au milieu des cocotiers en bordure du lagon, tirant leurs ressources de la culture et de la pêche, ainsi que du salaire d'Augustin qui oeuvre tous les matins dans la somptueuse propriété du maire à divers travaux d'entretien, de culture, et aussi de construction. A notre arrivée, quelques noix de coco gaulées sous nos yeux sont prestement épluchées pour nous désaltérer; petit cadeau de bienvenue.....L'après-midi s'avance en papotant; ça discute moteurs hors-bord et leurres pour la pêche. Rapidement, la famille monte dans sa barque pour venir visiter le Catafjord. Augustin demande à voir mes leurres habituels, ceux que je fabrique moi-même avec un hameçon et du bout' détorsadé; après un regard dubitatif, il s'esclaffe: "avec ça, tu ne peux espérer attraper que des poissons handicapés mentaux.....ou alors aveugles....."; à peine deux heures qu'on se connait; il est à l'aise lui!

Mercredi 26 Janvier; nous avons passé une partie de la matinée à préparer une clé USB de musique reggae pour nos amis, avant d'aller rendre une petite visite à Augustin sur son lieu de travail. Nous le trouvons consciencieusement affairé à la pause, assis à l'ombre, en compagnie de son acolyte (et cousin), Moana. Visite de la propriété du maire; bel endroit, laissé libre d'accès aux visiteurs; au devant, un vivier grillagé emprisonne une douzaine de jeunes tortues marines absolument magnifiques ( environ 70 centimètres les bestioles....) et quelques poissons qui leur servent parfois de casse-croûte. De l'autre coté de cette prairie arborée, c'est le reef, avec son platier frangé de sable blanc. Les habitants de ce motu sont moins d'une centaine et semblent vivre en harmonie..... j'écris "semblent", parce que, des fois, quand on voit les choses de l'intérieur, ça frise les poils du nez.....Ici, tout un chacun possède, pour se déplacer, sa barque en alu, d'origine néo-zed, mais assemblée à Tahiti. A mes yeux, ça ne vaut pas un bon Rigiflex, bien que ça coûte nettement plus cher. Augustin aimerait bien qu'on lui vende le Newmatic...., mais Malou n'a pas envie.

Jeudi 27 Janvier: reprise des incontournables travaux d'entretien et d'amélioration de Cataf; le chantier du moment concerne la cuisine; optimisation des rangements; adjonction d'étagères dans les placards; dépose de la hotte merdique. Ces quelques tâches me remettent à l'esprit combien était médiocre le précédent proprio du canote; quel boulet! sa méconnaissance du métier de constructeur de bateau nous aura permis de nous exprimer au travers d'un wagon d'heures de transpiration auxquelles s'ajoute un confortable matelas d'euros.....Heureusement qu'il avait eu la sagesse de sous-traiter la construction des coques et des poutres de liaison à de vrais pros, car, en dehors de ça, la plupart de ce qu'il a managé lui-même relève d'un savoir-faire de navrant bricoleur....N'empêche, maintenant, après l'injection de plus de six mille heures de boulot, Catafjord est devenu un fantastique outil de voyage et de vie maritime. Bref, les placards de la cuisine réclament encore une petite poignée d'heures pour satisfaire l'artiste, et c'est parti depuis ce matin. Ce mouillage de Murimahora constitue un cadre de travail des plus agréables, et donc tout baigne.

Vendredi 28 Janvier; Augustin aime bien les échanges: la réparation de sa barque en alu nous vaut une râpe à coco; un peu de visserie inox mérite un régime de bananes accompagné de ces délicieuses coco vertes, dont l'eau, si rafraichissante, se boit avec une paille à même le fruit; et voilà qu'il m'explique qu'accompagné de rhum, ça fait un apéro super....c'est dingue ça! j'essaie; c'est vrai! Magnifique.

Samedi 29 Janvier; c'est le jour de mettre un terme à cette belle escale. Pas pour aller bien loin, non, mais c'est sympa de bouger un peu; nous partons pour Fare, la "capitale" de Huahine, distante d'environ 8 milles. Un grain sévère nous ceuille pendant la route, mais il est le bienvenu, pour une fois. Le vent refuse un peu avant que nous ne soyons à la pointe de l'île, retardant l'empannage tout en améliorant notre vitesse et c'est pas dommage, car nous avons adopté le mode "feignasse intégral" et sommes sous génois seul....quand le grain s'éloigne, le vent adonne, donnant le coup d'envoi du changement d'amure (saviez-vous que Johnny avait chanté des chants de marins? eh, si: "quand on a fait l'amure"....). Nous sommes à Fare juste pour le déjeuner. Le retour dans l'univers d'internet nous apporte une bien vilaine nouvelle: une amie très chère a fait un accident vasculaire; elle venait d'atteindre la retraite et était à la veille de partir faire un voyage dans le genre du notre. Nous sommes bien affligés. Heureusement elle peut encore s'en remettre; courageuse et volontaire comme elle est, c'est sûrement ce qu'elle va faire.

Dimanche 30 Janvier; planqué derrière les nuages gris nés sur les reliefs de Raiatea, le soleil fait son numéro de projecteur de cinéma. Le bleu pâle du ciel se salit au voisinage de l'horizon, tandis que Monsieur l'âstre radieux envoie ses derniers pinceaux de lumière en direction de deux nuages, gris et roses, dernières enseignes du jour déclinant, aux contours irisés d'or....Il n'est pas moche, ce spectacle, que j'admire en aspirant ma noix de coco à la paille . Le temps que je l'écrive, à gauche, une autre balle de coton s'est illuminée de l'intérieur, genre enseigne de barbapapa géante. La nuit s'annonce, ça continue d'être pas moche. Dans le même temps, pépette prépare de la pâte à crêpes, et ça sent bon. Encore une soirée pas nulle. Sur la barrière, la houle du large déroule des vagues à surfer, alors qu'il n'y a même pas de surfer....qui a organisé ce truc?

Mardi 1er Février; nous avions à coeur d'aller visiter la ferme perlière située à l'Est de Huahine; eh bien c'est chose faite. Arrivés en vélo au village de Faie, une pirogue-limousine propulsée par un beau moteur hors-bord noir nous amène au motu qui hébèrge l'exploitation; l'endroit est très polynésien/touristique. On y admire, dans leurs oeuvres, le récolteur-greffeur qui farfouille dans les coquilles à l'aide de ses ustensiles en fil de fer inoxydable afin d'en extraire les petites billes de nacre qui font tourner la tête des femmes qui n'en ont pas....., le trieur/bijoutier qui opére ses selections avant de transformer ces petites sphères en objets de désir, la vendeuse/expliqueuse qui débite professionnellement son laïus, à tel point que nous étions à deux doigts de succomber, mais, hélas, nous n'avions pas apporté de carte bleu, comme c'est ballot!, et les deux grouillots de service qui se salissent les mains, et en foutent partout autour, mais bon, on va pas leur en vouloir, y z'ont un métier facile; et puis, tout le monde peut pas être inséminateur d'huître.....Tous aimables, vaguement souriants, sans enthousiasme excessif.....le conducteur de la pirogue serait un poil plus volubile, mais il n'y a rien de trop non plus. La visite terminée, nous en profitons pour retourner à la rivière voisine admirer ces fameuses anguilles sacrées que nous avions à peine entrevues la dernière fois; et c'est vari que ce sont de sacrés morceaux! facilement un mètre cinquante les anguilles! Retour par le nord de l'île en empruntant, je dirais, la route à mi-voie.....c'est-à-dire un pauvre chemin caillouteux ....avec, cependant, un avantage incontestable: on y entend le chant des vagues qui se brisent sur le platier, derrière les bosquets.