Samedi 19 Mars; notre départ pour Maupiti a connu quelques pas de valse-hésitation; peut-être la réputation de sa passe y est-elle pour quelquechose; toujours est-il qu'après avoir différé notre départ deux jours de suite, ce matin, j'étais debout avant que ne retentisse la sonnerie du réveil, pourtant réglé sur 5h30. Peu après six heures, nous voguions plein ouest. Bora, enchâssée de nuages sur fond de ciel d'étain, s'éloigne, aussi sûrement que se rapproche Maupiti; logique! La brise, modeste au départ, s'est peu à peu affirmée, et c'est à l'approche d'un grain de 25 noeuds que nous ramassons la toile en vue d'embouquer la passe de Maupiti. Etroite, très proche des brisants, et toujours parcourue d'un vigoureux courant sortant, on ne peut la franchir que par bonnes conditions météo car elle peut être très dangeureuse. Aujourd'hui, ça va. Les abords sont calamiteux, surtout dans l'Est, mais, dans l'ensemble, nous sommes chanceux, remontant le chenal qui mène au village sous un soleil radieux. Cette île, plutôt petite, et isolée des autres, est moins influancée par le tourisme, et ses habitants y vivent de manière un peu plus authentique; on y ramasse le coprah, on y cultive manioc, pastèques, concombres, et on pêche.

Dimanche 20 Mars; nous assistons, en qualité d'invités, à l'office dominical, au temple protestant. Les dames arborent leurs robes du Dimanche et sont coiffées de somptueux chapeaux ou de couronnes de fleurs. Quelques coquines ont les deux....Les bijoux aussi sont de sortie. Portes et fenêtres ouvertes en grand, l'atmosphère est légère et décontractée. Les enfants vont et viennent, peu bruyants cependant. Les chants polyphoniques, entonnés avec ferveur par toute l'assemblée et accompagnés à l'orgue éléctronique consacrent la véritable communion entre tous ces gens. Nous, on ne pige que dalle vu que tout est en tahitien, y compris le prêche-fleuve du pasteur...mais ça ne fait rien, c'est émouvant et beau à entendre. A la sortie, un des lieutenants du patron nous retient pour un brin de causette et nous offre des colliers de fleurs de tiare qui sentent diablement bon.

Mercredi 23 Mars; Firmin nous raconte Maupiti, son île....unique bien sûr. Catherine et Pierre, le couple de vacanciers rencontrés hier en cheminant le long du rivage, nous ont rejoint, en vélo cette fois, et nous suivons ainsi notre guide municipal, avides de ses commentaires et explications. Firmin est le chauffeur du bus scolaire; libre le mercredi et le vendredi aprèm, il donne gracieusement de son temps aux visiteurs pour découvrir, le "caillou-cochon" qu'a l'air d'un cochon, le "caillou-conque" qui fait un son quand on souffle dedans, ou encore le "caillou-tambou" qui fait du bruit quand on tape avec sa main au bon endroit ( sinon, il fait juste mal à la main et aucun bruit....). Plus loin, le très ancien maraë Vaihau nous livre quelques-uns de ses souvenirs à travers les paroles de Firmin: quand les prêtres intronisaient un roi, ou procédaient aux cérémonies, par exemple pour favoriser la pêche.....On y découvre les monstrueuses empreintes de pieds d'un valeureux guerrier qui devait bien mesurer 5 mètres de haut si l'on se réfère aux proportions de son siège de repos ou de ses traces de pas. Joignant l'utile à l'instructif, nous apprenons à casser une noix de coco eu deux sans aucun outil, en s'aidant simplement d'un morceau de feuille de palmier ( c'est étrange, enfant, à Saint Pierre et Miquelon, on ne nous a jamais appris ça.....)

Vendredi 25 Mars; le lagon de Maupiti possède une particularité qui favorise singulièrement les promenades aquatico-pédestres: plusieurs bancs de sable de grandes tailles, sont recouverts de moins d'un mètre d'eau: disons, jusqu'à lécher la bobolle inférieure à marée basse, et juste immerger l'autre à marée haute.....pour vous donner une idée. Entre autres, il en est un sis dans l'ouest de l'île, qui permet de rejoindre à pied le motu d'en face. Eh bien voilà qui procure une excursion bien sympa pour un petit vendredi de fin d'été: une demi-heure de vélo pour contourner l'île, suivie de la "traversée" semi-immergé, puis la visite du motu agrémentée de discussions avec les indigènes. Lucky, le cultivateur de pastèques nous livre quelques anecdodes de la vie locale, et nous désaltère de deux cocos cueillies à l'aide d'une grande perche à crochet. En face, de l'autre coté du banc de sable, c'est la délicieuse plage Tereia et son petit snack ou l'on peut acquérir de somptueux sandwichs pour même pas deux euros; exceptionnel en Polynésie. De retour au village de Vaiae, c'est dans la salle de réunion du conseil municipal qu'on peut s'attabler avec l'ordinateur pour récupérer nos messages. A l'extérieur, ça ne marche pas; j'ai un petit doute sur le positionnement de leur antenne....mais je ne dis rien....

Dimanche 27 Mars; changement d'adresse aujourd'hui. La pelle est déplacée vers le motu Tiapaa, au sud, près de la passe. Comme qui dirait, on va se passer un petit dimanche aprèm à la campagne.....Le tour du motu à pied nous donnera à admirer l'étonnante déxtérité de Blackie, le chien chasseur de poissons! Je l'ai affublé de ce nom à cause de son look de ramoneur. Quelle différence voyez-vous entre une hermine et un ramoneur? l'hermine est toute blanche avec la queue noire, alors que le ramoneur, lui, est tout noir avec une grande échelle sur le dos. Blackie, de son coté, arbore une délicate touffe de poils blancs à l'extrémité de son appendice caudal, noir, comme tout le reste de son pelage. Profitant d'un banc de sable recouvert de pas beaucoup d'eau, ce sacré clébard y poursuit les poissons en une succession frénétique de petits bonds arrondis et comiques. On pense:"y croit quand même pas qu'y va capturer un poisson ce bouffon". C'est vrai que toute cette agitation désordonnée semble bien peu éfficace.....Mais Blackie est opiniâtre. Il pourchasse toujours frénétiquement sa proie nageuse; tant est si bien, qu'il finit par l'entrainer dans une zone cailloteuse de moindre profondeur dans laquelle son agilité s'accroit tandis que s'amenuise celle de la bestiole à branchies....qui finit par se prendre un coup de patte en travers des écailles. Blackie en profite pour lui administrer le coup de chicot fatal! game over......

Lundi 28; comme n'importe quel animal ayant un minimum d'éducation, les raies manta ressentent le besoin d'une petite toilette de temps en temps.....Etant planctonophages, elles n'ont pas de langues, et ne peuvent donc se lécher interminablement comme le font les félins.....Dame nature a prévu pour elles des "stations de nettoyage", espaces sous-marins fréquentés par de petits labres-nettoyeurs, lesquels se nourrissent des parasites des autres. Ainsi, ce matin, le spectacle se déroule à trois coups de palmes du Catafjord; plusieurs raies manta entrées spécialement dans le lagon pour la toilette évoluent gracieusement dans cinq ou six mètres de fond en un somptueux ballet, impressionnantes avec leurs cornes céphaliques, et cependant inoffensives. Leur nage est lente, souple, aérienne, décrivant de grands cercles, ou réalisant un looping comme pour dévoiler enfin la blancheur de leur ventre qui contraste tellement avec leurs dos sombres. Spectacle fantastique!

Mardi 29 Mars; une bonne surprise. Nous sommes le seul bateau de voyage dans le lagon de Maupiti depuis déjà plusieurs jours, quand un grand ketch noir se présente devant l'entrée de la passe: c'est "Fleur Australe". Il pose son ancre à quelques dizaines de mètres de Catafjord. Nous avions à peine entrevu le Philou des îles quelques minutes à Tahiti, sans avoir le temps de discuter ni de lui présenter notre Catafjord. Ici, à Maupiti, il nous fait le plaisir d'une visite, et nous passons des moments bien sympas en sa compagnie. Demain, il viendra nous chercher pour nous montrer son canote. Malou a pu parler avec Claire au téléphone ce matin; la vie est belle.

Mercredi 30 Mars; nous avons envie d'appareiller demain matin pour Mopélia. Donc, il ne reste que la matinée d'aujourd'hui pour caréner le canote qui en a bien besoin. Malou fait les abords de la flottaison et, équipé du narguilé, je m'occupe des dessous.....toujours aussi fastidieux comme passe-temps. Midi, c'est terminé; place au farniente: nous sommes invités par Audine, la patronne de la pension "Maupiti village" à partager le pique-nique qu'elle organise sur la plage avec ses clients du moment; que des gens sympas! en plus, son mahi-mahi grillé et son gâteau-banane sont fameux. En fin de compte, ça confirme ce que je me disais: il ne faut vraiment pas grand chose pour être heureux.