Vendredi 1er Avril. - Nous venons de passer la nuit idéale en mer: faiblement agitée par un gentil alizé soufflottant comme un ventilateur céleste réglé sur 10 à 15 noeuds.....N'ayant que cent milles à parcourir, il ne fallait pas dépasser 5 noeuds de moyenne pour arriver au petit matin devant la passe de Mopélia. Justement, sous génois seul, même pas tangonné, c'est ce que ça donnait; ainsi, nous sommes dans le Nord de l'île à 9 heures. Par chance, nous croisons un copain qui sort, et nous refile quelques tuyaux pour aborder cette passe peu commune. Déjà, les cartes sont fausses d'un bon quart de mille!, et puis, on ne voit qu'au dernier moment les 2 misérables petites balises qui jalonnent l'entrée. Par contre, les remous causés par les quatre à cinq noeuds de courant sortant se repèrent aisémment et s'avancent à plus d'un mille à l'éxtérieur. Nous sommes sous le vent de l'atoll, aussi, ça ne déferle pas aux abords de cet passe très étroite; une vingtaine de mètres de large, dont Catafjord en occupe déjà presque 10! Bon, bref, les 2 moteurs à 2500 tours, et en serrant bien les miches, ça passe tranquilou. A l'intérieur, c'est la belle récompense! Ambiance Touamotu un peu; c'est sauvage, serein comme l'oiseau...., poissonneux, magnifique. Catafjord slalome entre les patates de corail, seul bateau dans le lagon. L'ancre tombe devant les vestiges désolés de l'ancien village. Après-midi: balade à pieds le long de la grève: aucune rencontre humaine. Pourtant, nous entendons un coq.....un hermite sans doute, à ne pas confondre avec un improbable cocker-mite qui n'existe certainement pas, mais où m'égare-je....

Samedi 2 Avril: Catafjord transporte son camp de base dans le Sud de motu Maupihaa; principalement pour y faire connaissance avec les rares résidents: une seule famille, de neuf personnes, qui se déclarent propriétaires du motu, et même de tout l'atoll! L'atmosphère est un poil lourdingue, sans doute à cause de la présence de ces maisons et exploitations abandonnées dans une manifeste précipitation, et qui laissent deviner des évènements pas cool. Pour l'heure, quelques belles langoustes font l'objet d'un troc contre de menus services avant de s'élancer, vivantes dans le court-bouillon.....franchement, c'est pas très rusé une langouste. Taituanui, le sympathique gamin de neuf ans, passe l'après-midi avec nous, et fait le guide, ....et aussi un peu le clown. Il a soif d'apprendre, mais ne va pas à l'école; il n'y en a pas ici. Sûrement pas une bonne chose pour lui. Il sera pêcheur, pense-t-il.....

Lundi 4 Avril: après tous ces mois d'éxotisme teinté de modernité, notre dernière escale polynésienne nous ramène au syndrome de Robinson. Et va z'y chasser au fusil sous-marin dans les patates de corail, inquiet de se faire piquer les prises par un requin, et va z'y cueillir des huitres grosses comme des assiettes avec, en tête, trois objectifs, pas moins: bouffer la petite partie comestible qu'on dirait de la coquille St Jacques, récupérer la nacre pour fabriquer des trucs sympas, et, bien sûr, trouver une perle, ou tout au moins un keshi, petit bloc de nacre de forme quelconque que l'huitre a fabriqué pour emmerder le perliculteur....De retour à bord, le décorticage de nos prises attire une floppée de remoras, bientôt accompagnés par trois requins qui n'hésitent pas à s'approcher tout près.

Mercredi 6 Avril: voilà! la passe a été franchie comme qui rigole grâce à des conditions idéales, et Mopélia est dans le sillage; cap au 249 sur Aitutaki, sous génois et gennak en ciseaux; mon tangon en bambou/verre/carbone/époxy fait merveille. C'est: peinard! et puis, maintenant qu'on sort de la Polynésie française, on va pouvoir détruire les scéllés posés par les douaniers félons rencontrés aux Marquises, il y a bientôt un an. Que trouverons-nous à l'intérieur de ce coffre qui s'étaitt refermé sur 36 litres de vin et 4 litres de rhum? Je crois qu'on va y trouver que dalle......à cause qu'il communique avec notre placard à vêtements par un ancien trou de haut-parleur, et que, depuis un an, il a reçu moult fois la visite d'un mystérieux bras sans soif, fouinassant là-dedans à tâton avec la grâce de l'inséminateur, à cette différence près que l'un dépose alors que l'autre soutire.....bref, c'est pas les comiques encostumés qui nous ont empéchés de pitancher notre réserve, et donc, à présent, y-en n'a plus! vide! des scéllés sur un coffre vide.....quelle poilade!

Les habitants de Mopélia nous ont laissé un souvenir assez mitigé. Déjà, plusieurs personnes de Maupiti nous en avaient parlé en termes peu amènes; il aurait même été déposé une plainte....nous ne connaissons pas l'origine de leur mésentente, cependant, l'attitude des "Mopélias" est un brin singulière; l'un d'eux s'autoproclame "roi de Mopélia", et tous clâment haut et fort que l'île leur appartient et qu'ils n'autorisent aucun "Maupiti" à y venir! seuls les "popas" sont bienvenus, car ils apportent du tabac, des fruits, et achètent des langoustes. La visite de l'île en compagnie du jeune Taituanui nous a mis sous les yeux nombre de signes d'un abandon précipité de demeures et d'installations récentes ( séchoirs à coprah en particulier ). La famille "Mopélia" vit dans des condtions d'hygiène très discutables, au milieu des cochons, de la volaille, des mares d'eaux usées stagnantes, et, bien sûr d'un escadron de mouches.....Au delà de la beauté et de la sérénité générale du lieu, nous avons ressenti un peu de malaise avec ces gens (éxcépté Tetuanui qui est un gamin super). Pour l'heure, la page est tournée, et nous revoilà en mer pour plusieurs jours.

Samedi 9 Avril: pour 3 jours, en fait; ce qui peut sembler un peu longuet pour avancer de 350 nautiques, mais quelle croisière de rêve! Le ciel et l'océan semblent s'être associés au vent pour nous donner envie de ne plus toucher terre; du petit temps, une vitesse faible, mais un grand confort! Arrivés sous le vent d'Aitutaki au petit jour, nous sommes contraints de mouiller à l'éxtérieur du lagon car la passe est vraiment très étroite; de plus, les autorités, qui voient peu de bateaux de passage, sont en ouikène, et il est interdit de se pointer dans le port minuscule avant d'avoir accompli toutes les formalités, ce qui ne pourrait se faire que Lundi. Nous nous contenterons d'une rapide visite du village qui nous permettra tout de même d'apprécier le contraste avec la Polynésie française: ici, les pluies d'euros ont été moins diluviennes que là, ça saute vite aux yeux.

Samedi 16 Avril, en mer depuis 5 jours. Confortablement installé dans la timonerie pour mon long quart de nuit, je savoure les plaisirs simples qu'apporte cette paisible fin de traversée. Demain, si dieu le veut, nous arriverons à Vava'u, groupe nord des îles Tonga. Agréable contraste avec ces derniers jours....car cette traversée nous aura apporté son lot de vissicitudes, comme pour nous rappeller que la mer, si elle veut, elle est amère....ça n'a pas été de tout repos, loin s'en faut, et nous avons renoué avec un intéressant assortiment d'emmerdes diverses et variées. Genre, un moteur qui s'arrête, filtre colmaté par du gas-oil pollué....toujours festif d'intervenir en mer sur un circuit de gas-oil. Question météo aussi on a été gâtés.....du petit huit noeuds de vent dans le pif, trop faible pour progresser à la voile, mais suffisant pour bien freiner le canote qui avance déjà péniblement dans la mer chaotique laissée par l'énorme zone orageuse agrémentée de grains à trente noeuds, jusqu'à ces vingts noeuds établis au nord-ouest dans lesquels il faut bien louvoyer, en passant par le déjà plus sympathique petit temps de l'arrière qui pousse le canote à un modeste quatre noeuds.....au chapitre des petits soucis qui pourrissent un peu la vie du vagabond des îles, la rupture du lazy-jack dans un méchant grain que j'avais imprudemment salué pas assez bas ( en ne rentrant que le génois....).....obligé de monter dans le mât, hissé par Malou actionnant sa manivelle de winch énérgiquement pour me permettre de récupérer le bout' volage. Bon, bref, y a des fois, c'est pas que des vacances.

Nous venons d'expérimenter avec succès un nouveau système de veille nocturne. Faisant partie de la vieille école, nous ne laissons jamais le bateau avancer seul en aveugle; ainsi, toutes les deux heures et demi, l'un de nous prend son quart libérant l'autre de cette charge. La nuit, c'est dur! M'inspirant des façons de faire des coureurs solitaires, qui, soit dit en passant, sont tous hors-la-loi car le réglement international pour prévenir les abordages en mer stipule clairement que l'on doit assurer une veille permanente......, m'inspirant, disais-je, de ces intrépides navigateurs, j'équipais la timonerie de Catafjord d'un hamac disposé de manière telle que, quand je suis allongé dedans, je peux voir mes instruments de navigation et l'horizon rien qu'en tournant la tête. Avec mes cervicales à peu près aussi arthrosées que la hanche, c'est un calvaire à chaque fois, mais bon, on rajeunit pas. Ainsi, armé de ma minuterie de cuisine que je fais tinter toutes les vingts minutes, j'assure un quart qui débute à vingt deux heures pour s'achever à quatre heures, offrant ainsi à pépette un repos de six heures d'affilées, cependant que je veille tout en me reposant quand même pas mal.....les premiers résultats sont encourageants.

Dimanche 17 Avril presque midi; l'atterissage sur le nord de Vava'u constitue une belle récompense pour nos efforts; ces falaises sauvages, rougies par le fer à dix sous contenu dans la roche, cette côte émaillée de petites plages d'or, et truffée de grottes, c'est beau comme la Bretagne, les cocotiers en sus.

Après-midi; l'accueil des autorités, à Neiafu, est plutôt cool. Le douanier nous met la nouvelle réserve de pinard sous sequestre et s'en fait offrir 2 échantillons, mais, bon, c'est le tarif.....plus une autre pour le gars de l'immigration....toujours avec le sourire. L'archipel des Tongas comporte plus de 160 îles coralliennes et volcaniques dont 36 sont habitées. Nous avons choisi de séjourner deux semaines dans le groupe du nord dont le labyrinthe d'îlots et de récifs offre un somptueux bassin de croisière. La petite ville de Neiafu possède un marché artisanal particulièrement agréable. L'ambiance y est décontractée et on trouve de très jolies créations à des prix abordables, essentiellement à base de fibres de coco, feuilles de pandanus, bois, nacre, noix de coco....

Mercredi 20 Avril; la folle soirée passée hier à l'Aquarium café nous a donné l'occasion de tester la cuisine locale....et le kava. Le petit spectacle de danses traditionnelles était délicieux, avec, en vedette, la nièce du patron, la fille du patron, la femme du patron, et,.... 2 jolies serveuses polyvalentes....La sono est tombée en rideau au beau milieu d'une danse, mais, les musicos locaux ont vite pris le relais, et ainsi sauvé le spectacle. Avec tout ça, nous étions de retour chez nous à 20h30! une tisane, et, au lit à 21 heures!