Mardi 20 Septembre; les soutes à gas-oil ont englouti voracement leur sirop détaxé jusqu'à plus soif, et nous voilà partis, traversant le lagon à grande enjambées, poussés par un vigoureux alizé. Le démarrage est un peu tonique. Nouveau dicton: "mer belle et vent portant sont les deux mamelles d'une navigation qu'elle est bonne"....Hélas, les meilleures choses ayant fatalement une fin, la brise s'essouffle en cours de nuit et c'est Yanmar qui est à l'oeuvre lorsque le disque solaire se pointe à l'horizon mettant un terme à notre première nuit de cette traversée d'environ 1000 milles

Mercredi 21 septembre; pas de vent de toute la journée....ça a au moins un avantage, la mer s'aplatit et les mouvement du canote s'adoucissent, comme la femelle avant la saillie (bonjour la comparaison....)....moins cool, par contre, c'est l'alternateur babord qui fait encore des siennes et s'est mis en panne, de régulation cette fois; la tension monte à 16 volts! c'est pas raisonnable. On va peut-être se décider à le changer à la prochaine escale. Rencontre furtive et sympa en fin de journée: une mignonne baleine à bosse d'une trentaine de tonnes qui voyage vers l'Est nous croise à contrebord à quelques dizaines de mètres, de son allure nonchalante tout autant que verticalement sinusoïdale, contrairement au mec bourré dont l'approximative sinusoïde se décrit plutôt dans un plan horizontal, jusqu'au moment de la chute finale tout au moins, .....mais je m'égare..... La nuit noircit le ciel; Yanmar ronronne....7 noeuds de vent......; pour propluser Catafjord, c'est trop peu.

Jeudi 22 Septembre; l'aube apporte un timide alizé que nous mettons immédiatement à profit en envoyant toute la toile. La mécanique va pouvoir s'assoupir à son tour. Un moment bien plaisant dans la navigation à propulsion vélique, c'est quand il revient un peu d'air après une période de calme: la mer ayant écrété ses bosses à la faveur du calme, le bateau glisse en douceur et sans bruit, et ça, c'est plaisant, et aussi appréciable qu'éphémère, car ensuite, rapidement la mer grossit ( comme disait le jeune marié futur papa... )

Vendredi 23 Septembre; et c'est de nouveau au tour des 4 cylindres diesel de marque Yanmar ( on dirait une pub, mais non.....) d'entrer en scène pour pallier à la mollesse de la brise. Sous un ciel chargé, Catafjord est balloté sur cette mer hachée avec un poil de courant contraire en sus ( comme disait la j.....bref ); pas terrible comme conditions. Il revient un peu de vent en fin de journée, qui ordonne sensiblement les vagues mutines et nous prépare une nuit sereine, glissant mollement voiles en ciseaux......on avance pas un cachou, mais c'est cool.....

Dimanche 25 Septembre; changement d'environnement. La frontière a été franchie, il y a une heure, lorsque nous avons croisé le rail des cargos, qui court paralèllement à la grande barrière de corail. Depuis hier matin, le vent nous ayant lâché encore une fois, les moteurs assurent la propulsion, chacun son tour, sans discontinuer; celui de babord tourne la nuit pour ne pas perturber le sommeil de Malou dans l'autre coque, et, je vous le donne en mille, lequel fonctionne de jour?....le tribord; bravo! c'était facile. Je ne sais pas si c'est la proximité du continent ou quoi, mais c'est clair, il fait moins froid que ces derniers jours; on va pouvoir remettre au clou les vêtements polaires qui ne nous ont presque pas quittés depuis Nouméa ( j'en profite pour aérer un peu le matériel, c'est pas dommage....). Quelques prémices nous indiquent l'imminent retour à la civilisation; ce sont les cargos, peu nombreux tout de même, qui croisent alentour. Si tout se passe bien, ce soir, nous devrions naviguer à l'abri de la houle derrière la grande barrière de corail; puis il restera encore presque 200 milles à couvrir avant de faire les formalité d'entrée en Australie. C'est le matin, et déjà le comité d'accueil vient nous faire sa visite de courtoisie: un troupeau d'une dizaine de dauphins de grande taille fait son show aux alentours des étraves, virevoltant à ras de la surface en un gracieux ballet. De nature curieuse ils nagent un peu de coté pour voir nos tronches, exhibant ainsi leurs ventres blancs, puis disparaissent tous ensemble vers le fond ( leur vestiaire probablement....) une fois leur spectacle achevé. Magnifique!

Lundi 26 Septembre; nous naviguons derrière cette fameuse grande barrière de corail depuis le début de la nuit dernière, et c'est pas un lac! Avec 16 nds de vent au bon plein pendant la moitié de la nuit, nous parvenons à parcourir quelques dizaines de milles à la voile, mais la brise a levé un clapot escarpé qui perdure ce matin encore, cependant que Yanmar a dû une nouvelle fois se dévouer pour remplacer Eole qui feignasse. J'ai l'impression d'être dans un endroit très curieux, alors que non, en fait; mais l'examen des cartes marines donne une fausse idée du truc; on a l'air d'être dans un immense chenal, ce qui est un peu vrai, mais on y est comme au grand large: pas de bateau à l'horizon et on ne voit pas non plus la côte ( normal, elle est à plus de cinquante milles).

Mardi 27; atterissage sur Mackay ( ça se dit: "ma caille", ici...): étrange et insolite spectacle que ces dizaines de pétroliers mouillés sur rade, lèges pour le plupart, et alignés comme à la parade. Ca y est, la traversée s'achève, et le port de commerce est devant nous, avec ses cargos à quai, ses citernes d'or noir et ses silos dressés au ciel comme de ridicules et symétriques phallus de béton ( c'est de la poésie ). Encore quelques encablures et voici la marina! moderne et récente, et "même pas finie"....ultime manoeuvre au moteur pour amener l'éléphant à sa place dans le magasin de porcelaine sans rayer aucun vernis, et, voici que les autorités arrivent à bord. Contrairement à l'image que d'aucun peuvent en avoir, nous trouvons ici des gens avenants, joviaux même, qui appliquent, avec beaucoup de bon sens, un réglement qui aurait vite fait de se révéler horriblement contraigant s'il était mis en oeuvre par des "sans humanité", comme des fois on peut en rencontrer,..... si, si, c'est déjà arrivé.....Deux ou trois heures pour que toutes les étapes soient franchies, et nous voici libres de découvrir ce nouveau pays. Mackay n'est pas un endroit touristique; la région produit de la canne à sucre, du charbon (mais pas aux mêmes endroits bien sûr....), et quelques "supermarket".....Il faut un quart d'heure de bus pour se rendre de la marina à la ville; c'est un peu contraignant.

Jeudi 29; profitant des facilités de la marina, nous tentons de résoudre quelques uns des points techniques défaillants qui figurent sur notre dernière liste......mais le taux de réussite est navrant....; aussi, compte tenu du tarif journalier de la marina pour amarrer ce modeste "Catafjord" ( allez, tant pis, je vous le dis: une bonne centaine d'euros/jour), la décision est prise: demain on s'casse, direction les "Withsunday Islands" dans le nord-est.