Jeudi 1er Décembre; calfeutrés à l'intérieur de Catafjord par la pluie et le vent, nous vaquons à de paisibles occupations dans une ambiance "automne en Bretagne", ce qui est plutôt bienvenu après les grosses dépenses d'énérgie chez Rivergate shipyard; et puis, ça pourrait ne durer que quelques jours....

Dimanche 4 décembre; je commence par m'acquitter de mon devoir par l'éxécution de quelques travaux d'interêt général avant de m'adonner à une activité plus ludique: l'essai de notre nouveau kayak, un "oasis" de chez Hobie, équipé du génial système de propulsion à pédales "mirage drive"; l'action sur les pédales met en mouvement des éspèces d'ailerons de pingouins situés sous le canote, le propulsant à une vitesse qu'il serait bien plus difficile d'atteindre avec les pagaies. Ainsi, les mains restant libres, et l'engin étant équipé de "cup-holders", il est très aisé de siroter sa petite mousse tout en se baladant sans bruit au fil de l'onde.....une merveille.....que l'on peut aussi équiper d'une petite voile pour quand le vent est favorable.

Mardi 6 décembre; notre pote Nicolas nous avait prévenu: ici, en Australie, pour rouler en vélo, il faut absolument porter sur le haut du crâne un de ces casque spéciaux qui vous donnent l'air de vous être déguisé avec une laitue sur la tête pour halloween....aussi, quand l'agent de police nous interpelle alors que nous pédalons tête nue, nous savons très bien pourquoi....fort heureusement, on s'était entrainés avant à faire les andouilles, et donc, nous lui servons avec conviction notre couplet des pov'couillons de français qui viennent juste d'arriver,.... pis qu'on savait pas, nous, monsieur l'agent......bon, ben, ça marche! Il nous informe tout de même gentiment que l'amende, c'est cent dollars la prochaine fois, aussi nous promettons d'aller acheter deux laitues dès demain. C'est pourquoi, la journée du mardi que nous avons destinée à la visite du musée maritime débute en fait par un détour chez le marchand de bécanes. Une heure plus tard, deux français rencontrés en chemin, nous aident encore à creuser un peu plus le retard qui ne nous laissera finalement que 3 heures pour admirer toutes ces merveilles du passé dont je ne me lasse pas.....évidemment, nous faisons la fermeture ( disons qu'on nous fout dehors gentiment....), avant de rentrer à bord juste à l'arrivée des premières gouttes de pluie.....ouffff!

Mercredi 7; David, le marchand de vélos éléctriques de Noosaville ( 140 km dans le nord de Brisbane ), nous a fait lever à 6 heures pour l'attendre sous la pluie....; son projet, c'est de nous livrer à 7 heures les deux nouveaux biclous à assistance éléctrique que nous lui avons commandé, puis de retourner à Noosaville ouvrir son magasin à 9 heures....hélas pour lui, les embouteillages se ressemblent dans toutes les grandes villes du monde, et les e-bikes se pointent à huit heures et demie! belles machines à cadres alu, freins à disques, 6 vitesses, un moteur de 200 watts dans le moyeu arrière et une batterie lithium-ion de 10 ampères-heure qui permet de rouler à 28 km/h pendant une heure et demie sans pédaler.....soyons clair: notre but n'est pas de n'avoir pas à pédaler; ce serait plutôt le contraire.....disons qu'on aimerait continuer à pédaler dans les montées au lieu de marcher à coté comme nous le faisons avec les Bramptons.....lesquels sont maintenant à vendre (pas cher.....)

Samedi 10 décembre; enclanchement du mode "croisière"; les nouveaux biclous occasionnent quelques difficultés de rangement car ils sont sensiblement plus encombrants que les autres; je vais devoir leur fabriquer un garage......la météo n'est pas véritablement idyllique, mais nous partons tout de même. Tout fonctionne correctement, et c'est un vrai plaisir, une fois sortis du chenal, de retrouver un Catafjord qui avance à 6 nds par 8 nds de vent. C'est sous le vent de l'île Peel, dans Horse shoe bay, qu'un mouillage confortable nous offre son hospitalité pour une bonne nuit de sommeil. Ce début de croisière vers le sud est particulièrement peinard car nous avons choisi de rester dans Moreton bay et donc de naviguer dans un dédale de chenaux tortueux aux eaux abritées. Nonobstant le caractère timide et capricieux du soleil, c'est de la navigation agréable.

Dimanche 11 décembre; soleil, ciel d'azur, pas de vent; les conditions idéales pour aborder les waterways des "Stradbroke Islands"; naviguant au coeur d'une tripotée d'îlots, il nous faudra faire preuve de vigileance à cause des courants et des petits fonds qui n'autorisent souvent qu'un pied-de-pilote réduit. Le moteur babord travaillant seul à 2200tr/mn emmène le canote à 5,8nds, pour une consommation de 4 litres de gas-oil par heure, ce qui fait moins de 0,7 litre par mille parcouru; pas mal.

10h30; nous sommes au tiers de l'étape du jour. Tout-à-coup soudainement, quatre majestueux pylones éléctriques se dressent devant nos étraves, cependant que ma broussaille capillaire en fait autant sur le sommet de mon crâne....en préparant la route, avant de partir, j'avais bien remarqué sur la carte ce petit trait et sa vague annotation, mais bon, ça ne m'avait pas spécialement défrisé le chignon; alors que là, maintenant tout de suite que le bazar est juste là devant, ça m'indispose déjà nettement plus. "Dis donc pépette, tu voudrais bien jeter un oeil sur la carte Maxsea, des fois qu'y aurait une ligne ou deux concernant la hauteur de ces saloperies de fils éléctriques qui pendouillent devant nous".....court silence, que je trouve pas si court que ça....."ça y est, j'ai trouvé; tes câbles éléctriques, ils sont à 20,3 mètres de haut".....sa réponse me fait genre comme quand je me mets trop tôt sous la douche et que l'eau chaude n'est pas encore arrivée......notre mât principal culmine à 22m50.....en principe, ça ne passe pas!..... Stop! mouillage de l'ancre le temps de réfléchir posément; nous avons un guide nautique local qui fait mention d'une hauteur libre de 23m50 à marée haute; ça ne fait pas une grosse marge, mais en attendant un peu que la mer baisse, et en passant près d'un pylône pour éviter la zone ousque c'est le moins haut, ça devrait pouvoir se faire ( à dix sous.....); approche lente en serrant bien....les miches; ouf! ça passe largement; même pas peur! sauf que, avec tout ça, on a pris deux heures de retard sur le planning de la journée alors qu'il est prévu une dégradation du temps en soirée. D'ailleurs, ça se profile déjà.....et puis ça se confirme: il est à peine quatorze heures et on croirait que la nuit va tomber tellement il fait sombre; ça gronde, ça tonne....et ça se met à tomber dru réduisant condidérablement la visibilité; deuxième pause mouillage le temps de laisser passer l'orage. Nous repartons dans le gris persistant avec l'intention d'aller poser la pioche dans un heure environ; l'endroit que nous avons choisi pour ça s'appelle "Paradise point" et semble promettre une quiétude certaine. Nous approchons; l'accès est malaisé; nous avançons à vitesse réduite; notre regard s'arrête sur des pancartes rouges plantées dans l'eau et portant la mention:"moins d'un mètre d'eau à basse mer"....justement, nous sommes quasimment à marée basse, et le temps de réaliser que ça pourrait bien ne pas passer, paf, nous voilà échoués, en douceur, au milieu de l'étroit chenal. Patience et longueur de temps font plus que force nique l'orage, et donc, simplement en attendant une heure, Catafjord reflotte et se hâte d'aller discrétement poser sa pelle 300 mètres plus loin, comme si de rien n'était, bien au milieu de la zone adéquate; il est presque 18 heures.....l'apéro est en vue et c'est pas dommage.

Lundi 12 décembre; il fait jour depuis presqu'une heure et je n'arrive plus à dormir; j'en profite pour m'installer à la table à cartes et travailler un peu l'itinéraire de la suite du voyage; pas évident! pas d'abri naturel sur les 300 milles à venir à part quelques rivières dont l'accés est régi au rythme des marées à cause de barres franchissables seulement aux alentours de la pleine mer; quand au vent, il semble coincé au secteur sud pour un moment. Deux heures plus tard et un p'tit déj en phase de digestion, la décision est prise de trainer dans le quartier en attendant des conditions plus agréables pour avancer, genre du vent portant par exemple....dicton du jour: "quand t'as le vent dans le pif, t'es plutôt rétif, mais quand c'est dans le fion, alors là t'es content"

Mardi 13 décembre; la matinée ayant été plutôt chargée en travaux d'entretien et autres activités à caractères un peu obligatoires, l'après-midi sera plus festive; le kayak est mis à l'eau, et nous voilà partis vers Hope Island marina, pédalant fermement contre le courant de jusant sur cinq mille et demi environ. Les "mirage drive" sont diablement efficaces et nous atteignons sans peine notre but. Dans la marina, un catamaran attire notre attention: c'est "Taïmada"; nous avions rencontré ce couple d'allemends à l'île Coco, puis aux Galapagos; et, pas revus depuis. C'est agréable de se retrouver et d'échanger les nouvelles de nos potes communs. Depuis que nous sommes en Australie, nous apprenons souvent que tel ou tel de nos copains déambulateurs nautiques sont actuellement en escale en Nouvelle-Zélande.....ils sont un paquet là-bas...pour fêtre le nouvel-an ensemble, alors que nous sommes un peu seuls ici....heureusement, il y a les échanges par e-mail, qui sont toujours si agréables à recevoir.

Franchissant la sortie de la marina, nos pédalages attisent la curiosité d'une famille de kangourous; les marsupiaux amis, postés sur leur colline verdoyante, restent là à nous dévisager placidement avec à peine un soupçon de méfiance dans la poche quand nous les approchons; mais ce n'est pas facile de débarquer à cet endroit et la journée s'avance, aussi Malou devra se contenter de les photographier depuis le kayak, ce qui est un peu délicat.

Mercredi 14 décembre; une pompe de cale est en rade; il nous faut trouver un shipchandler pour en acquérir une autre, ainsi que deux ou trois bricoles. Google earth nous fournit l'itinéraire d'accès au gros centre nautique de Gold coast que nous décidons d'atteindre par voie maritime, après avoir fait le plein de carburant dans ce bon vieux Newmatic; tout se passe comme sur prévu jusqu'au moment où apparait devant nos yeux hagards un enrochement qui barre le waterway et que nous avions pris pour un simple pont au vu de la photo aérienne; nous avons fait plus des trois quarts du chemin, et nous voici dans un cul-de-sac! retour au Catafjord pour déjeuner, et nous repartons, en vélo cette fois, malgré un copieux détour pour trouver un pont, qui nous fait la ballade à 32 kilomètres; ça devrait être une simple formalité avec nos nouvelles montures: elle vont pouvoir montrer ce qu'elle ont dans les tubes......eh bien, justement, elles le montrent et c'est fantastique! je ne m'attarderais pas sur la petite malfaçon du pédalier qui m'a pourri la moitié de la route, ne parvenant cependant pas à atténuer la satisfaction de rouler avec ces machines magiques. Un petit inconvénient toutefois: ça vous rendrait facilement "jemenfoutisse"; une côte à gravir? on s'en fout!; quinze noeuds de vent dans le pif? on s'en fout!; c'est la fin de l'après-midi, on est fatigués et il reste encore quinze bornes à faire? on s'en fout! bref, tous les tracas habituels qui empoisonnent le cyclotouriste tropicalisé , avec l'assistance éléctrique, on s'en fout!!! d'ailleurs la preuve, avec nos trente deux bornes de l'après-midi dont la moitié avec le vent contraire, nous arrivons au Catafjord frais comme des cardans......ceci dit, ici à Gold coast, on se fout pas de la pédale, question vélo; déjà à Brisbane j'avais un peu halluciné en découvrant des pistes cyclables plus larges que la voie des autos, mais, il y avait parfois des passages où c'était pas trop clair; alors qu'ici point; tout est prévu pour les cyclistes et c'est un vrai plaisir de se dandiner sur sa petite reine dopée au lithium-ion.....dépassant les bagnoles dès qu'il y a embouteillage.