mercredi 11 Janvier: nous venons tout juste d'avaler la dernière bouchée du déjeuner quand se pointent deux préposés à la gestion du Broadwater dans leur dinghy en alu; très courtois, joviaux même:" depuis combien de temps êtes-vous ancrés ici,"......je leur réponds honnêtement que ça fait quatre semaines....ils éclatent de rire..... en nous annonçant que le maximum autorisé dans cette zone, c'est 3 jours!!!! nous sommes donc aimablement priés de déplacer le canote, de temps en temps, au moins pour faire montre de bonne volonté, même si nous ne respectons par scrupuleusement le réglement ( qui prévoit, en particulier, qu'il est interdit de vivre à bord de son bateau à cause des rejets......); bon, c'est promis, on bougera pour le ouikène; et puis, ça nettoiera les hélices.

Mon boulot de l'après-midi me donne quelques sueurs froides, en plus d'un coup de soleil....l'enrouleur de génois étant devenu très dur à manoeuvrer, j'entreprends d'en rechercher la cause sans attendre qu'il ne soit totalement grippé......donc, démontage après avoir affalée et pliée la voile, avec l'aide de mon matelot . Il apparait, après quelques heures d'effort pour extraire les vis grippées, que l'étanchéité des roulements est défaillante, et que l'eau de mer a réussi à s'introduire pour y accomplir son habituelle et crapuleuse oeuvre de corrosion; les roulements ayant été montés à la presse, il ne saurait être question de les remplacer;..... donc, je crains le pire......qui pourait être le remplacement pur et simple du tambour complet.....Laissons passer un peu de temps pour réfléchir et donner à notre bonne étoile le temps de recharger un peu ses batteries......ça y est, la bonne idée pointe le bout de son nez, ainsi que la méthodologie pour la mettre en application: en déformant délicatement la lèvre du joint tournant avec un petit tournevis, je parviens à y introduire un tube de 2 millimètres de diamètre pour injecter dans les roulements le fameux et universel "miracle juice": WD40.....je renouvelle l'opération à plusieurs reprises et sur toute la périphérie du joint avant de puiser dans ma boite à patience une demi-heure, occupée à boire un thé avec ma directrice, pour laisser à la magie le temps d'opérer; bingo! après quelques manipulations manuelles ( comme disait le jeune boutonneux.....), le bazar se manoeuvre à nouveau normalement.....yessssss!!!! Demain matin, j'en remets une couche, et je remonte le tout en soignant l'étanchéité. Le responsable du s.a.v. chez Facnor, que j'avais contacté par e-mail, m'affirmait que le problème ne pouvait en aucun cas venir des roulements....."graissé à vie" disait-il.....victime d'un sournois cancer du joint à lèvre, notre coûteux enrouleur était parti pour ne pas passer le cap des 5 ans, ce que je trouve bien jeune pour un équipement de ce genre....

vendredi 13 janvier; météo clémente: vent léger, ciel peu nuageux; l'idéal pour une petite escapade. L'ancre remonte sagement, puis je bats en avant pour embouquer l'étroit chenal de sortie; tout va très bien, si ce n'est que je trouve la poussée des hélices un peu souffreteuse, et ça me chagrine. Nous avons soigneusement étudié la carte afin de selectionner plusieurs endroits possibles où poser la pelle pour le ouikène; le premier n'étant distant que d'un mille, nous y sommes rapidement...... hop, un petit tour de piste pour bien confirmer que ça ne convient pas: trop petit, trop encombré, trop morose, et donc, au suivant! Route au nord, moteurs à 2200 tours/minute, aidés par le courant de jusant. Un galion touristique chargé de clampins désoeuvrés et portant rien moins que trois mâts....nous dépasse laborieusement, toutes voiles dehors et moteur à fond. Je sais qu'il va au même mouillage que nous; aussi, une petite pression sur les manettes de gaz pour le suivre, et ça sera peinard.....eh ben, pas du tout! les bourriers refusent de monter dans les tours, et le canote n'arrive pas à dépasser sept noeuds.......Je fais mine que rien, mais à l'intérieur, ça mouline; sitôt arrivés au mouillage et planté la pioche, je commence par une petite vérification des circuits d'alimentation en gas-oil, vu que je les ai sophistiqués récemment, mais tout est OK de ce coté là. Il faut donc que je me jette dans l'eau fraiche (25°c) en combinaison, armé de ma spontex gratante, en vue d'en mettre un petit coup sur les hélices qui sont sans doute un peu craspouètes; l'eau est trouble, on n'y voit même pas à un mètre. Pourtant, je suis persuadé que les berniques doivent se tenir les côtes de rire en me voyant arriver avec mon petit carré vert à récurer les poêles à frire....Le temps de refaire surface, et c'est avec notre meilleure spatule inox que je retourne leur ôter simultanément l'envie de se moquer, et celle plus détestable encore d'habiter sur nos hélices. Il y en avait plus d'un centimètre d'épaisseur sur toutes les pales. Bon, il y en a une qui s'est vengée en me cisaillant sournoisement la peau du majeur droit (vous savez celui qui exprime si bien quand on n'est pas content......), mais avec trois gouttes de bétadine, tout est réglé, et je sais maintenant pourquoi les moteurs ne montaient pas en régime.

Pour féter ça, nous décidons de nous offrir une petite excursion en kayak. Un régal! Les "mirage drive" de notre Oasis font merveille. Nous abordons une plage de Stadbroke Island pour nous adonner à une de ces marches à pied qui enchantent Malou. C'est cette île qui constitue l'immense rempart protégeant le Broadwater et toute la baie de Moreton des ardeurs de l'océan. Un sentier sablonneux donne accès à la côte au vent; après le franchissement d'une dernière butte, le spectacle est saisissant: les dunes sont d'une grâce féminine avec leur courbes onctueuses et la douceur de leur sable, et surtout, la beauté de l'océan nous saute au visage et nous laisse pantois! deux mois que nous ne l'avions vu! Y a pas, la mer, c'est quand même la majesté de notre globe; il y a bien sûr ses couleurs, à l'intensité et à la pureté poignants, mais je crois que c'est sa personnalité, sa prestance, sa puissance aujourd'hui contenue, mais que l'on sent bien présente, qui nous provoque cette admiration mélée de respect que l'on ressent toujours à sa vue et qui fait que l'on comprend tout se suite qu'on n'est pas devant un étang.... un wallaby, seul sur la grève, cherche son casse-croûte en surveillant du coin de l'oeil les alentours, dans le fracas des rouleaux.

Le retour en kayak se fait avec l'aide non négligeable de sa modeste voile, laquelle complète parfaitement l'équipement "grande randonnée" de l'embarcation; on ne peut pas remonter au vent avec ça, mais aux allures arrivées ça avance tout seul. A l'arrivée, une famille de canards nous attend à l'arrière de Catafjord en faisant des ronds dans l'eau; ils quémandent quelques croutons de pain en échange de poses devant l'objectif de Malou. Je leur joue de l'accordéon; il me semble bien qu'ils s'en battent les plumes....

Samedi 14 Janvier; nouvelle promenade à pieds sur les sentiers sablonneux de Stardbroke, marquée par la rencontre de plusieurs wallabys qui vivent en grand nombre sur cette île. Les fantastiques dunes de plusieurs dizaines de kilomètres sont l'objet de soins attentifs de la part du ministère des transports qui en a la charge; elles sont régulièrement inspéctées pour l'évaluation de leur état de santé, et une végétation adéquate y est entretenue soigneusement pour en assurer la stabilité. Vers 17 heures, un hydravion se pose devant la plage et y accoste pour débarquer un couple de jeunes mariés venus dans cet endroit retiré pour officialiser leur union; les invités sont arrivés depuis un quart d'heure à bord d'un petit ferry; les flash crépitent.....on chante, on danse, on mange....au matin, ils ne sont plus là, et le ferry non plus; il n'y a pas d'hôtel sur cette île.

Dimanche 15 Janvier; la période de beau temps qui a prévalu depuis notre départ de Paradise Point s'achève, et nos "vacances" avec. Dès cet après-midi nous irons rejoindre notre mouillage habituel ( celui qui est interdit plus de trois jours d'affilée......) pour y continuer quelques travaux de rénovation et y subir en toute quiétude le relatif mauvais temps annoncé pour les jours à venir, à base de pluie et de vent fort.....déjà le ciel s'est assombri et le vent a commencé à monter. Avec les hélices propres, tout va nettement mieux pour déplacer le "camion". Demain matin, nous attaquerons nos deux prochains "chantiers": d'abord consulter un sellier pour qu'il nous fasse une fermeture arrière de timonerie neuve, et surtout, refaire la table de cockpit pour qu'elle assume de nouveau sa fonction de garage à vélos, car les biclous éléctriques sont plus encombrants que les Bramptons (qu'il faut s'occuper de vendre maintenant...)

Vendredi 20 Janvier; perché sur un tabouret de bar, je savoure ma bière peinard, pendant que Malou est partie fouiner chez le chinois de la galerie marchande d'à coté, me laissant admirer à ma guise et alternativement, les bateaux mouillés devant le bar, et les jolies serveuses derrière leur comptoir. Malgré le pessimisme des prévisions météo, le temps a été plutôt clément ces derniers jours, et les larges périodes ensoleillées ont étées dûment mises à profit pour faire avancer le chantier "table de cockpit"....on s'achemine maintenant vers la phase de finition. Ce n'est sans doute pas ce week-end que ça avancera beaucoup, car Dennis a téléphoné tout à l'heure pour nous inviter à la montagne; direction "Tamborine", une trentaine de kilomètres dans l'Est.