Mardi 16 Octobre; Kuala Lumpur! ce nom évoque pour moi tous les mystères et tous les envoûtements de l'Orient; un mélange de temples hindous et de fûmeries d'opium enveloppés en permanence dans de plantureuses volutes d'encens.....bon, ben le train qui nous y emmène depuis Klang, la ville-port voisine est en tous points similaire au R.E.R. parisien.....à l'exception peut-être de ces wagons exclusivement reservés aux femmes qui désirent se voiler à l'abri des regards lubriques. KL est une ville pleine d'attraits. N'y consacrant qu'une seule journée, nous ne pouvons en avoir qu'un aperçu; mais nous apprécions. Bien sûr, la poésie orientale un peu désuète de mes rêves ne saute pas au pif en arrivant...pourtant, nous y ferons une bien jolie ballade, piétonne, encore une fois. Commençons par "central market"....pas très asiatique comme nom.....par contre, à l'intérieur, attention aux yeux! c'est la méga-galerie marchande de tout ce qui se fait d'artisanal à l'Est de St Frégant; le paradis du chineur dans les échoppes de chinois (question "échoppes", mes préférées sont celles de bière....question de goût, mais revenons à KL....). Un véritable festival d'artisanat d'art.....pour nous, deux solutions: passer à toute vitesse en s'extasiant à plein temps, ou y consacrer toute la journée à dilapider le budget "bouffe" des trois mois à venir, tant la tentation est insoutenable partout.....comme disait mon pote DST: prudence, prudence, prudence. La solution prudente ayant rapidement fait deux adeptes, nous voici déambulant dans "Petaling street", haut-lieu du quartier chinois, longue suite de boutiques, représentatives de la mode locale en terme d'habillement ainsi que de restauration. On y trouve toutes les dernières copies de DVD ( y compris "l'ordre et la morale" de Mr Kassowitz où j'apparais de face pendant 1,2 seconde, et de dos, pendant 3,6 autres secondes, ce qui fait de moi le cent douzième plus important figurant du film....ce n'est pas rien.....), et de CD, ainsi que moults contrefaçons de toutes les grandes marques de luxe, dont au sujet desquelles, je ne manque pas de remarquer que beaucoup sont françaises et donc, je m'autorise un discret "cocorico" intérieur. Par contre, je ne me gène pas pour extérioriser un large sourire devant ces étals merdiques présentant à la vente des monticules de sacs LV ou autres ( "Air messe", le malletier du vatican....), posés à même le sol par paquets de dix! "dérision de nous dérisoire" chante notre Souche nationale.....Un des interêts du lieu réside dans l'architecture de ses bâtiments qui datent de la période "deutch". Ici, comme à Malacca, les différents envahisseurs ont laissé des tas de cailloux avec des formes différentes, et c'est ça l'attrait historique du bin's....mais poursuivons...... avec le temple "Sze Ya" qui est justement en pleine effervescence. Construit suivant les préceptes chinois du Feng Sui (ne pas confondre avec "fuck suie" qui est une entreprise de ramonage aux ramifications mondiales, mais à la moralité douteuse...), c'est le plus ancien temple taoïste de KL; de nombreux fidèles y sont en pleine dévotion. Deux bipèdes assis par terre torse nu (aussi, on n'est pas loin de l'équateur; faut comprendre) soufflent avec application dans leurs espèces de bombardes hypertrophiées de presque un mètre de long, cependant que trois autres musicos frappent leurs tam-tams en cadence, alors même que le grand prêtre, torse nu aussi, psalmodie dans son micro, en duo avec son second, qui chante moins fort; mais, en même temps, il n'est que le second.....y a quand même des raisons à tout. Pendant ce temps, les offrandes qui se sont muées en bûcher, brûlent, transformant en cendres bananes, riz, oranges, et toute cette sorte de trucs comestibles, alors que nous commençons juste à ressentir comme une petite faim.....retour "à la ville". Le hasard nous maintient dans une ambiance religieuse en conduisant nos pas devant "Gwan Di temple", autre lieu de culte ancien (1888) dédié au dieu de la guerre chinois, divinité très populaire qui, au-delà son coté bagarreur représente les valeurs de loyauté et de droiture. Ses adeptes lui paient des fagots d'encens pour s'attirer prospérité, sécurité et toute cettes sorte de choses.

De nombreux édifices plus ou moins anciens ornent la ville, faisant, semble-t-il, bon ménage avec les merveilles de technologie modernes qui grattent les nuages et que nous délaisseront; on n'est pas obliger de tout visiter, non plus! Après quelques heures de marche digestive car post-déjeunatoires, arrive fatalement le moment d'opérer un retour stratégique vers Catafjord afin d'y goûter à un repos bien mérité. Las, ce retour s'avère fort long, avec deux heures dans un bus bondé pour parcourir 24 kilomètres.....et arriver finalement chez nous peu avant 21h, en ayant terminé en vélo, sous la pluie, les cinq kilomètres qui séparent la station de bus de la marina.....la bonne grosse journée quoi!

Mercredi 17 Octobre; c'est reparti. En fin de jusant, les amarres sont larguées, direction Lumut; ce n'est pas encore aujourd'hui que les voiles travailleront beaucoup.....par contre, un bon petit courant de presque trois noeuds pousse le canote gentiment cependant que défilent les impressionnantes infrastructures portuaires de Port Klang; des kilomètres de quais hérissés de dizaines de ces préhenseurs à containers, remplaçants modernes des grues sur rail d'autrefois ( j'ai toujours eu une affection particulière pour les grues.....qu'elles soient sur rail, en vélo, ou en patins à roulettes...). Des travaux d'extension sont en cours; une plateforme de pompage flottante aspire le sable mélangé à l'eau et projette la mixture plusieurs centaines de mètres plus loin afin de "fabriquer" de nouveaux terrains.

Juste avant, nous assistions ébahis à des opérations de carénage menés suivant une méthode assez hallucinante: à l'aide de gros tractopelles, on creuse dans la berge des "souilles" où les canotes peuvent entre à pleine mer ( un remorqueur et deux barges d'une cinquantaine de mètres); puis, on déplace "vite-fait" les tas de sable, toujours à la pelle mécanique, au moment de la basse mer suivante, emprisonnant ainsi les canotes dans leurs cale-sèches en sable, y compris la porte! conclusion: pourquoi s'emouscailler à construire des cales de radoubs qui coûtent cher, quand il est si simple d'en faire, à la demande, avec deux pelleteuses.....

17 heures; nous y voilà. Encore un mouillage précaire, à proximité d'un îlot de taille insignifiante, et dans 22 mètres d'eau..... les orages et la promiscuité avec quelques péchous odoriférants se chargent de nous fournir une première moitié de nuit bien peu reposante.

Au petite matin, nos péchous sont déjà partis; nous appareillons rapidement afin de profiter pleinement du courant favorable. Puis, plus tard, dans l'après-midi, une modeste brise de mer nous permettra d'avancer deux heures sans moteur, jusqu'à notre escale du jour, sise en rivière, bien à l'abri des intempéries, pour une bonne nuit de sommeil.

Bon, l'endroit n'est pas particulièrement attrayant, surtout parce que l'eau y est brunâtre et épaisse. Nous mouillons entre quelques installations piscicoles un peu précaires, un drôle de wharf en béton à l'allure de kiosque, et des bateaux de pêche du village voisin cramponnés à leurs piquets de bois. Un bruit, devenu familier, retient notre attention; c'est le piaillement strident des hirondelles qui sont bien loin de faire le printemps puisqu'on est en octobre....il y avait la même chose à Kumai. C'est ce gros malin de Nicolas, qui, en plus de ses talents de tripoteur de barbaque plus ou moins saine ( il est kiné.....à temps partiel....) cache des capacités de fin limier ( ce qui ne veut surtout pas dire qu'il soit plus fin qu'un autre où qu'il lime plus qu'un autre.....); bref, c'est mon pote Nico qui nous a donné l'espikation des cris d'hirondelles:les chinois, gens raffinés s'il en est (d'ailleurs justement, si quelqu'un connait un chinois raffiné, ça m'interesse), sont bizarrement très friands de vomi d'oiseaux.....qu'ils consomment volontiers sous la forme de nids d'hirondelles. Sachant celà, d'astucieux commerçants ( chinois, peut-être?) ont eû la lucrative idée de constituer des sites bétonnés propices à l'accueil des volatiles pré-cités, et d'y attirer lesdites bestioles en bombardant l'atmosphère de paquets de décibels en forme de cris de ces passereaux culinaires à dessein de les inviter à venir déposer leurs régurgitations en des lieux accessibles, de manière à en faciliter la récolte.....pas couillon, non? encore une riche idée qui n'émane d'aucun diplomé de grande école et je le déplore, admiratif que je suis des gens qui ont traqué la connaissance et le savoir pendant toute leur jeunesse faisant ainsi la nique à tous ces pue-la-sueur cupides qui se ruent sur le boulot à peine leur C.A.P. en poche.....mais je m'égare.....

Vendredi....octobre; encore quelques tours d'hélices, quelques litres de gas-oil, et nous voici, enfin, mouillés dans un endroit réjouissant comme on les aime: petite anse protégée, paysage vallonné et verdoyant, et une jolie plage; c'est l'île Pangkor! nous y parvenons sous le soleil, ce qui est toujours plaisant, mais, hélas, nous sommes toujours en saison des pluies, et ce pour encore quelques semaines.....aussi, ça ne tarde pas à nous tomber dessus, et c'est pas une averse d'un quart d'heure.....

Dimanche 21 Octobre; tour de Bangkor à vélo; heureusement qu'il y a l'assistance éléctrique....bonjour les raidillons! Pangkor est une île superbe, plutôt vallonnée, couverte de forêt tropicale humide. On y rencontre, au détour du chemin, des singes qui s'épouillent en famille, ou alors un varan d'un mètre cinquante qui fait les poubelles dans une décharge sauvage....comme il y en a, hélas, beaucoup; les autorités locales ont encore une belle marge de progression sur ce plan là. Malgré tout, c'est un grand plaisir de déambuler à nouveau le long de petites routes tranquilles en admirant des paysages réjouissants. Un chantier de construction de grands bateaux en bois attire ma curiosité; hélas, il est tenu par des chinois très peu conviviaux, et ma visite est de courte durée. Nous avons de la chance pour l'épilogue de la journée, car, à peine remontés à bord de Catafjord, il se remet à pleuvoir, et ça durera des heures, et des heures.....bon, par chance, c'est l'heure de l'apéro....