mercredi 20 février; cinquième jour de mer. L'analyse des fichiers météo préalable au départ faisait état de vents faibles ou nuls, pendant environ..... toute la traversée.....aussi avons-nous prudemment fait le plein de tous les réservoirs afin de pouvoir recourir largement aux machines mécaniques pour avancer. Et justement, c'est le cas en ce moment, avec toutefois une bonne surprise: nous subissons, un courant favorable qui nous distille quotidiennement son quota de milles gratuits; toujours bons à prendre. Et puis, contre toute attente, nous avons eu plusieurs heures de vent soutenu qui nous a aidé à tenir, pour le moment, une honnête moyenne de six noeuds; ce n'est déjà pas si mal.....La mer calme et les journées ensoleillées donnent à notre affaire un goût de croisière de rêve. Sauf hier; la journée a commencé par l'agression d'un front poussant devant lui sa lourde pluie dans des rafales de vent dépassant trente cinq noeuds.....alors que nous avions la grand'voile haute!!!!!!!!! ceci dit, derrière, une belle brise nous a propulsé à plus de neuf noeuds pendant quelques heures, sous ciel gris, avant de laisser place à une bonne nuit peinarde.....mais lente. Comme d'hab, vers le troisième jour, nos organismes se sont acclimatés au nouveau contexte et nous pouvons, de nouveau, occuper nos journées à notre guise, à lire, écouter de la musique, jouer de l'accordéon, manger, dormir, faire un massage à Malou.... Le radar nous a fait une petite frayeur en se mettant en grève juste au moment de traverser un rail de cargos.....puis la chance s'en est mélée, me permettant d'identifier, puis réparer, un câble abimé; et là, ça y est, ça remarche! Nous tenons des moyennes très correctes, pour le peu de vent, et c'est bien plaisant; brave canote!

Jeudi 21 après-midi; ciel dégagé, mer belle, petite brise par le travers.....profitons de l'instant présent; la dernière nuit n'a pas été de tout repos: changements de vent incessants, grains menaçants, éclairs, coups de tonnerre.....comme toujours, les périodes sympas alternent avec les moments plus ingrats.

Une bande de dauphins nous accompagne quelques instants, jouant à slalomer entre les étraves à grands renforts de "pchoutt" lorsqu'ils viennent s'oxygéner à la surface, puis disparait en un instant, reprenant sa migration; au dessus de nos têtes, trois ou quatre sternes virevoltent et passent, elles aussi, leur chemin, nous laissant comme seuls êtres vivants en cet univers liquide.

Vendredi 22; journée fast....une jolie brise par le travers a vissé l'afficheur du speedo sur dix noeuds, cependant que la mer n'a pas eu le temps de s'agiter; vitesse et confort!

Lundi 25 février; mer belle, ciel dégagé....mais presque plus de vent; le soleil chauffe et égaye cette fin de traversée. Les moteurs ont repris du service depuis hier soir, au milieu des éclairs.....Il reste encore cent cinquante milles à parcourir, et pourtant, l'ambiance à bord est aux préparatifs d'arrivée. Une petite fuite de liquide de refroidissement sur le moteut tribord m'a occupé une heure et demie ce matin; du coup, son ron-ron régulier a quelquechose de rassurant qui compense largement la nuisance sonore. Sûr que, dans notre prochain canote, l'isolation phonique sera particulièrement soignée.

Mardi 26; un peu de vent revient au point du jour, pour nous permettre de terminer la traversée à la voile. Dix heures, Addoo est en vue, mince liseré gris sur l'horizon chargé; le temps n'est pas au beau fixe. Pour autant, arriver dans un atoll inconnu après dix jours de mer reste une belle fête.

Gan est l'île principale du lagon Addhu. Elle est la plus australe d'un chapelet de terres d'une quinzaine de kilomètres de long, et possède un petit "abri", accessible par une étroite passe creusée dans le récif. La place y est comptée, nous contraignant à positionner l'ancre avec précision et à mouiller une longueur de chaine un peu modeste à mon goût.

Nous savons que les autorités viennent spontanément à bord pour le "check in", aussi appliquons nous la consigne:"wait and sea" (c'est pas une faute dortografe, c'est un jeu de mot en anglais....).

15 heures; on n'y croyait plus; une vedette à moteurs aborde Catafjord, équipée d'une impressionante escouade de type costumés et gallonés.....pas moins de huit bipèdes en grande tenue se sont déplacés pour venir nous accueillir...

"Welcome on board".....il en monte cinq à bord; brodequins noirs cirés, pantalons aux plis rectilignes, trois gallons à poste....du beau monde vous dis-je. Ces "invités" montent à bord dans une solennité toute militaire, et je sens bien que le moment serait malvenu de glisser une petite plaisanterie; aussi m'abstiens-je. Une récente averse ayant trempé les sièges du "copique" (coucou André), j'engage poliment cette armée régulière à s'installer dans le carré. Ils ne se le font pas dire cinq fois, ni quatre fois, ni trois fois, même pas deux. Le décor se met en place promptement: la table à géométrie variable est totalement déployée, deux gradés de chaque coté, le cinquième larron fait le cancre sur la banquette, et.....je préside! un léger parfum de revanche se met à flotter, qui me titille les papilles.......en effet, ayant eu la judicieuse idée de me procurer, en Guadeloupe, un tampon "Catafjord", et, fort de ma position centrale (ajoutez la chemise blanche plus une barbe de trois jours ouvrés....), me voici dans la peau du commandant de paquebot, sollicité de tous cotés à tamponner, signer, remplir moultes cases et faire des croix dans d'autres sur d'innombrables papiers officiels de la plus haute importance, Malou jouant à merveille le rôle de la secrétaire vigilante et effacée qui trouve à point nommé la photocopie réclamée où le numéro de je ne sais quoi, mais faut bien écrire quelquechose sur la troisième ligne du formulaire......prenant mon rôle avec le sérieux qu'il sied à une telle situation, je me tiens droit comme la justice; pas une plaisanterie ne sort de ma bouche, et, je tamponne, et je griffonne théatralement des autographes majestueux, qui dépassent parfois du tampon.....je me dis que l'idéal, c'est quand le corps de la signature occupe environ la même superficie que le tampon, et que, seules les pointes, dépassent un peu.....comme le persil ou les poireaux peuvent dépasser du cabas. Bref, vous l'aurez saisi, nous vivons un joli moment de formalités, empreint de solennité et de majesté paperassière. De plus, l'éfficacité est au rendez-vous, et, en une demi-heure, l'affaire est bouclée; notre escadron de formulairivores reprend, en procession, le chemin de leur bureau climatisé, avec l'évidente satisafction du devoir rondement accompli.

Cette première étape administrative ayant été franchie avec le plus grand grand professionalisme, nous voici donc fin prêts pour attaquer la suivante: nous acoquiner, au plus vite, avec un agent local; obligatoire! En effet, ici, à Addhu, stationner une semaine est facile et ne coûte presque rien, par contre, trainer un mois comme nous en avons l'intention, c'est une autre limonade (pas bière; musulman ici).

Le Newmatic remis à l'eau, nous foulons à présent le sol Maldivais, à la rencontre de "Masood", notre nouvel ami, agent de son état; et il ne tarde pas à se montrer. Grand, noir de peau, type indien, notre homme arbore une magnifique cravate rose, portée décontrac sur une chemise du même thon (jeu de mot à deux balles; merci de votre indulgence). Nous sommes chanceux; Massood est un vrai "pro" et probablement, en plus, un type bien....; l'avenir nous le dira. En tous cas, il est clairement efficace, car tout ce qui lui est demandé est exhausé dans l'instant: un accés internet et de l'argent liquide local. Il va s'occuper de nous obtenir l'indispensable "cruising permit", mais..... ça fait un paquet de fric.....il n'y peut rien, c'est comme ça.....il est quand même l'agent de Naomi Campbell, .....qui est venue il y a à peine trois ans......je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais nous avons avons un agent commun Naomi et nous......c'est pas rien ça. Ca coûtera ce que ça coûtera........