Jeudi 25 Juillet; nos passagères étant, à présent, acclimatées, à nous les excursions pedestres et lointaines, à la découverte de la côte ouest. Une belle journée s'annonce. La pointe La Houssaye accueille nos premières déambulations. Son architecture rappelle un peu la "côte de granit rose", en Bretagne nord, sauf qu'ici le rose est noir et le granit est en pierre de lave. J'éprouve une grande sympathie pour ces mineraux sombres, criblés de trous comme de monstrueuses éponges rigides, sorte de pierre-ponce pour orteils de géants. Les trous d'eau d'alentour, recèlent mille merveilles puantes qui retiennent Malou et Thérèse pendant "un certain temps".

Pêcheurs d'aiguillettes et plongeurs embouteillés se partagent le territoire, au prix d'une épreuve de franchissement nettement plus ardue pour ces derniers, tant leur matériel est lourd et volumineux. Leurs déambulations au milieu des rochers constituent un spectacle cocasse: les palmipèdes malins ne chaussent leurs nageoires qu'arrivés près de l'eau, rivalisant ainsi de finesse avec les rusés canapéchous, qui, eux, ne déploient leurs gaules qu'après avoir mouillé leurs tongs.

Après avoir dévasté le quartier du dernier coquillage, notre fine équipe remonte dans la Clio pour une nouvelle étape motorisée, propice aux échanges verbaux dénués de morosité. Je choisis de m'abstenir de commentaire sur la qualité du "pilotage"......à la question, "là, maintenant, vous voulez que j'aille à droite ou à gauche?", je reçois pas moins de trois réponses différentes!!!!!!! pas facile.....

Déjeuner cuisine créole au restau "Arc en ciel"; on se régale à prix raisonnable, avant l'escale suivante au lieu dit "le gouffre" qui nous procure, lui aussi, de belles images. La houle du large, gonflée par les petits fonds, vient exploser sur la roche en gerbes majestueuses, inlassable feux d'artifice liquide et mousseux. La Réunion est truffée de chemins de randonnée, côtiers ou montagneux, faciles ou ardus, mais toujours pleins de charme. En bordure de côte, quelques mini-édifices, voire de simples croix ou plaques gravées, commémorent la disparition d'êtres avalés par les eaux, dont on n'a pas retrouvé les os......( comme qui dirait, des gens qui ont subi un dégat des os.....)

Le cimetière marin de St Paul mérite bien le détour; d'autant que, situé sur la route côtière, il n'y a pas besoin d'en faire, de détour; automatiquement, on tombe dans le cimetière........ Donc, visite. Evidemment, s'agissant d'un cimetière, les tombes sont nombreuses et , déclinées en une étonnante variété de styles différents; modeste "niche à chien" bétonnée, basilique entièrement vitrée style "véranda alu", casemate genre transfo EdF, cabane de jardin, ou encore représentant en ferronnerie qu'aurait pas repeint l'enseigne depuis bien longtemps. Tout à fait hétéroclite, mais doté d'une forte charge émotionnelle; on y ressent, ou croit ressentir, l'interminable vol lourd des âmes ayant habité, dans le passé, les quelques restes enfouis dans cette agglomération muette.

Vendredi 26 Juillet; première vraie excursion: le cirque de Cilaos. Levés dès 7 heures, la journée débute inévitablement par un long trajet en auto, tranquilou au début avec la voie rapide, puis nettement plus "rauque and drôle" sur les trente derniers kilomètres: quatre cent vingt virages dont plus de la moitié en épingle!!! ça monte, ça descend, ça remonte, dans une féerie de paysages époustouflants. La première danse s'achève à Cilaos, altitude 1100 mètres, température ambiante 18°c. On se couvre un peu plus chaudement avant d'aborder la rando, en sous-bois, à flanc de montagne. C'est toujours sympa ces balades-là. Celle-ci est classée "facile".....bon; n'empêche, six kilomètres à monter et descendre sur un chemin caillouteux, même facile, on est plus fatigué après qu'avant. Le pique-nique, assis sur les rochers de la cascade, sans fourmi, est apprécié de tous. Retour silencieux.....la digestion sûrement.....Une reposante halte au bistrot à l'arrivée complète cette excursion tonique, et donne la pêche au chauffeur pour aborder la descente, tant il est manifeste qu'après une petite mousse, la vie est d'suit' plus douce.....Passant devant un boulodrome où les "pète en coeur" taquinent la bouboule, je songe que, moi aussi j'ai un "boulot d'rhum", avec la préparation quotidienne du planteur de ces dames. Comme un point d'orgue à cette belle journée, le soleil descend au lit avec un joli rayon vert juste au moment où la Clio de loc arrive en haut de la marina, avec nous encore dedans......c'est t'y pas bien organisé ça? Allez, apéro.

Samedi 27 Juillet; lever comme hier, à 7h. Direction la côte Est cette fois, pour la visite guidée de l'usine sucrière de Bois-rouge, en groupes organisés d'une vingtaine de clampins. Le hasard nous intègre à un joli spécimen de famille de bourgeois cul-pincés qui se poilent chaque fois qu'il leur tombe un oeil.

L'usine ronfle à plein régime, et ça rend la visite très vivante. Chaque zone de production réserve son lot de sensations; au départ, un incessant ballet de remorques agricoles reconstitue la montagne de cannes au fur et à mesure que d'impressionnantes machoires de métal en saisissent des fagots de plusieurs centaines de kilos pour alimenter le monstre. Différents tapis convoyeurs en caoutchouc noir véhiculent la canne broyée dans un tumulte de fin du monde, agrémenté de volutes de vapeur comme dans les films policiers où l'intrépide inspecteur Bénure poursuit le vilain bandit Calapone, armé jusqu'aux dents du fond, jusqu'au tréfond de l'usine sucrière en activité avec des volutes de vapeur en pagaille et un bruit d'enfer.

Personnellement, je ne la trouve pas trop reluisante cette usine; sollicitant l'opinion de Miss guidounette sur le sujet, elle me sussure une explication pourrie à base de corrosion dûe à la proximité de la mer.....N'empêche, pour de l'agro-alimentaire, c'est un peu rouillé, que je trouve.....Puis, en grande championne de la mauvaise foi, elle nous explique que le rhum fabriqué dans l'usine d'à coté, à base de mélasse, serait plutôt meilleur que du rhum agricole des Antilles!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! là, j'ai du mal à déglutir, et manque même de m'étouffer dans une quinte de toux,......bientôt réactivée par la dégustation; laquelle confirme bien mon opinion. Pour autant, la visite de l'usine est tout-à-fait passionnante.

Ensuite.

Rythme plus vacancier ces jour-ci; lever tardif, glandouillage et pateaugeage à la plage, apéro le midi.....et toute cette sorte de choses. A St Pierre, dans le sud, les plus hardies ( en fait, les deux petites jeunes: Gaëlle et Malou) coifferont même masques et tubas pour aller chicaner les poissons multicolores à l'intérieur du bassin coralien.

Avant l'accueil d'un nouvel arrivage de touristes familiales, nous programmons quelques promenades de bord de mer, aussi agréables que faciles, ce qui est loin d'être déplaisant. Du coté de St Joseph, en contrebas du sentier, les roches noires calcinées, organisées en paysage lunaire, assaillies d'écume, semblent coiffées d'une mise en plis chantilly, et c'est beau. Le long du chemin, au dessus des filaos, les paille-en-queue filent là-haut, cependant que les anges s'enfilent là-haut....., mais celà ne nous regarde pas.....en tous cas, c'est très beau.

Mercredi 31 Juillet; Céline et Anne-Yvonne sont installées à bord de Catafjord depuis hier et le programme rando-intensif peut commencer. La Clio a fait place à un gros bourrier haut sur pattes, dans lequel mes cinq copines se trouvent chacune une place, le temps du transfert préalable, indispensable à toute excursion. Aujourd'hui c'est Bébour; ça sonne comme une contrepèterie, et c'est justifié, car le chemin qui serpente dans la forêt primaire aurait mérité les bottes au lieu de baskets; Pour vous dire, Bebour, c'est embourbé.

Picnic transis, puis, retour par St Paul. Ma mission de chauffeur de ces dames s'étoffe soudain d'un projet passionnant: trouver une pharmacie pour Anne-Yvonne qui s'est torticolé le genoux dans les cailloux pleins de gadoue, et trouver une poste pour envoyer les cartes postales. Quelques minutes plus tard, que voient apparaitre mes passagères devant leurs yeux médusés?: "Pharmacie de la poste"......ovation, mais pas "standing", car la hauteur sous moumoute ne le permet pas!

Jeudi premier route; pour changer un peu du style "gadoue", la rando du jour est programmée dans la savanne. Nous retrouvons Manu dans les hauts du cap La Houssaye, avant d'attaquer le sentier qui serpente à travers les coteaux blonds aux reflets roux....... c'est vous dire si c'est beau. Le genou d'Anne-Yvonne se tient bien, autorisant notre petite procession à cheminer normalement......pas vite. La majeure partie du trajet jouit d'un panorama magnifique sur la baie de St Paul. Rencontre insolite avec un husky vagabond perdu.....qui nous aurait volontiers adoptés, s'il n'était bientôt rattrapé par son gardien, lui-même très vite recapturé par sa copine. Au large, des groupes de baleines s'ébattent à quelques encâblures du rivage, pour la plus grande joie de nos touristes qui poussent des ébahissements sonores de feux d'artifices; "oh la belle gerbe blanche!", "oh la belle bosse noire", "oh la belle queue" (comme disait qui vous savez .....).

L'heure du déjeuner étant largement atteinte, nous saisissons une superbe occasion de nous mêler à la masse compacte de ceux qui cherchent un endroit pour stationner la bagnole, tout près d'un endroit pour déflorer le tuperouare à salade. Pas fastoche avec ce vent qui souffle comme une baleine avant l'apnée, et ça décoiffe les moules. Pourtant, Malou la maline a tôt fait de nous dégotter une table de bistrot, garnie de quelques bonnes bières hors de prix (mais quelle importance, c'est Céline qui régale.....), où on nous autorise à se goinffrer sous le nez des tauliers.....

Repus, il est temps de visiter le superU local en vue de refaire les niveaux de rhum et de jus de fruits, dangeureusement proches de la cote d'alerte.

Samedi; route à l'Est. Tenter de ne pas s'arrêter toutes les cinq minutes pour raisons photographiques ou urinatoires demande une préparation psychologique préalable que je travaille assidûment......avec, par bonheur, quelques résultats. C'est ainsi que la première halte du jour a lieu devant l'église de Ste Anne après plus d'une heure d'auto.....yesssssss! Superbe édifice, récemment rénové. A deux pas de là, le fils du tourisme, qui fait aussi dans la carte postale et le souvenir varié, guette sournoisement le chaland avec son assortiment complet de cochonneries hors de prix et sa taulière pas aimable ( elle a un boulot garanti à vie.....alors pourquoi s'occuper de ces chieurs de clients qui l'empêchent de téléphoner à sa copine? sur le compte de la boutique bien sûr). Heureusement, dans l'échoppe voisine, plus modeste, quelques réalisations d'artistes locaux sont présentées par deux charmantes personnes, peu avares de sourires, et c'est quand même plus agréable.

"Notre Dame des laves"; aucun rapport avec quelque lavoir à l'eau bénite.....c'est de lave volcanique dont il est question ici, car nous sommes dans cette région du sud-est où le volcan voisin, toujours en activité, a pour habitude de dégobiller de temps en temps son magma en fusion. Une de ses coulées aurait épargné la petite église en se séparant en deux flux à l'approche d'icelle, lui apportant ainsi une aura particulière, accompagnée de la notoriété qui sied aux évènement miraculeux. Ainsi démarre notre pélerinage "traversée des coulées de la Fournaise". Celle de 1977 nous retient un long moment. Majestueux filet de bave carbonisée, ses vagues noires descendent du piton, tout là-haut, pour venir se vautrer dans la mer en un impressionnant tableau/valse à trois tons: noir, vert et bleu. L'aspect de ce fleuve de lave refroidie me fait irrésistiblement penser à une méga-bouse de vache, polymérisée à coeur, et parfumée à la vanille, par les effluves des plantations voisines......un peu étrange; mais quel spectacle! Et comme toujours sur une côte au vent, la mer fait son show en pulvérisant ses gerbes de mousse plus blanches que blanc sur le tapis de galets noirs. C'est beau, très beau,...... et c'est aussi quatorze heures, donc grandement temps de casser une petite graine. Ca tombe bien, l'aire de pique-nique est un modèle du genre, avec ses kiosques en bois d'arbre et sa pelouse verte.

De paysages sublimes en "point-de-vue" saisissants, l'après-midi se consume et voilà qu'il faut un peu "bourrer la mûle" pour ne pas être trop en retard à notre invitation à dîner. Une famille de Réunionnais, Brigitte, Maximin et leur ravissante nièce, Audrey, dont le décolleté vertigineux rabaisse le Piton de Neiges au rang de pauvre taupinière, se sont démenés pour nous recevoir dans la tradition créole: rhum arrangé, carri boucané, rougail saucisse et gâteau patate douce. Nous devenons rapidement des amis de longue date.......on se congratule, on se photographie, on se remercie; une super-soirée!

Dimanche, jour des baleines; Céline a réservé un petit canote de location au départ de St Gilles. Après un inconfortable picnic, assis sur le bord du muret, en face du ponton, à attendre le retour du client précédent en compagnie de Manu, notre petite troupe embarque, appareils photos en bandoulières. Las, la mer n'a pas décidé de se laisser mettre en boite aujourd'hui, et le convoyage vers les lieux "baleinifères" est du genre turbulent. Quelques coups de gite particulièrement vigoureux envoient valdinguer les imprudentes sans ménagement. Les boites à images retrouvent leurs étuis, cependant que les cétacés, braves bestioles, apparaissent comme par enchantement aux regards admiratifs de mes passagères. Une fois tous les visages illuminés d'un sourire satisfait, nous décidons ensemble d'un retour prématuré destiné à éviter la cohue de soirée à la pompe à carburant. Ca marche, mais avec un gros bémol, car le pompiste est un magistral bourrin qui parvient rapidement à fâcher tout le monde. Par chance, la suite est bien plus sympa, avec une bonne surprise: une troupe de théâtre d'improvisation se donne en spectacle sur le chemin du troquet où Manu fait péter sa petite mousse....c'est pas un beau Dimanche ça?

Mardi: LA grosse rando: le fameux "Piton de la Fournaise". Nous avons fait la route hier, en bagnole, afin d'être en position de partir à l'assaut du volcan dès potron-minet. Manu nous a rejoint dans l'après-midi.

Le gite qui nous héberge pour la soirée et la nuit a des allures de chalet savoyard; sympa, mais glacial......Pilou, le taulier, a jugé suffisant d'installer un petit poële à bois dans un coin de la bibliothèque pour chauffer toute la casba.....il s'avère que c'est largement insuffisant en regard des trois degrés de température extérieure. Heureusement, nos colocataires sont bien sympa, la cuisine est bonne, et le rhum bien arrangé; de même que cet élixir magique, servi en dijo,et dont la bouteille héberge un cobra et un scorpion......qui ont dû y entrer en état d'ébriété avancé.....(par contre, je ne trouve pas que ça donne un goût spécial).

Lever à 6h, départ à 7h30, tout le monde dans la guimbarde, y compris Manu, direction "le pas de Bellecombe", aux portes du cratère Dolomieu. Plus nous approchons, plus la pluie est dense, avec une visibilité qui atteind peiniblement une centaine de mètres....Nous attendons patiemment dans le refuge qui jouxte le parking, en compagnie de la vingtaine de personnes qui, comme nous éspèrent un éclaircissement, en sirotant des chocolats hors de prix, dans les remugles des toilettes voisines, lesquelles rencontrent un vif succès, hélas....un peu avant la congélation définitive de nos pieds, nous décidons d'un repli stratégique, avec modification du programme de la journée. Nouveau projet: le Maïdo; deux heures de route de montagne, avec un petit stop en chemin pour engloutir le sandwich et faire pisser ces dames (la moitié du temps pour le sandwich, l'autre moitié pour le sitting touf-gazon.....).

Treize heures: nous voici parvenus au parking jouxtant l'aire de "point de vue" et de départ de randos. Cette fois, la chance est avec nous. Le spectacle est hallucinant: le cirque de Mafate étale sous nos yeux ébourrifés son majestueux panorama, étincelant sous le soleil dans son étourdissante majesté! C'est un peu comme si nous étions en avion, et, la montagne qui est dessous a envie de toucher l'avion; alors, elle monte, elle monte, elle monte, de plus en plus verticalement, jusqu'à parvenir à toucher de son doigt rocheux la queue de l'avion (ou toute autre partie de l'avion, c'est un détail qui n'a pas la moindre importance; merci de le noter pour la prochaine fois). Le plus étonnant, c'est que les quelques hameaux que nous apercevons tout là-bas dans le fond, ne sont reliés au reste du monde par aucune route. On ne peut s'y rendre qu'à pieds par des sentiers difficiles, ou alors en hélicoptère......(mais ce n'est pas le même prix). Nous marchons une heure sur un sentier de rando avant d'opérer le repli apéritif du soir ( je sais que certains trouvent qu'il est souvent question d'apéritif, mais c'est une illusion d'optique; quand on y est, ça se passe tout seul).

Mercredi; Nous recevons à déjeuner nos amis Réunionnais. Brigitte se demande s'il ne serait pas juducieux qu'elle vende sa maison pour acquérir Catafjord et faire le tour du monde aussi.....

Notre premier flot de vacancières, Thérèse et Gaëlle, quittent le bord ce soir......dommage, on commençait juste à s'habituer. Elles ont été des invitées de très bonne compagnie, et la poilade était souvent au menu. Heureusement, il nous reste encore Anne-Yvonne et Céline, et Manu n'est pas bien loin.

Jeudi 8 Août; anniversaire de Manu, et, accessoirement fête des Dominiques.....Anne-Yonne pète sa tirelire et offre le restau. Super! Une bonne rando-bord-de-mer de douze kilomètres pour la digestion, et la nuit est déjà là.

Demain, dentiste, car j'ai deux chicots sur pivots qui ont profités des sandwichs de rando pour se faire la paire......franchement, se faire la paire quand on est deux.....pas très original.