Vendredi 20 Septembre; grave décision, mais, nous assumerons: nous ne participerons pas à la régate annuelle du "yacht club de Nosy bé"......malgré la portée internationale évidente de l'évènement. Pourtant, notre ami Bertrand, homme de bon sens s'il en est, raisonnablement épicurien, et déraisonnablement régatier, n'a pas ménagé ses efforts pour nous pousser à l'inscription, mais bon!, au final, dépenser l'équivalent de vingt jours de salaire d'un brave malgache pour se tirer la bourre entre nantis, sous leur nez, afin de déterminer qui c'est qui pisse le plus vite.....j'ai plus la foi......Et nous optons pour un programme qui ne manquera pas de charme non plus; quelques jours de vagabondage en compagnie de Cyril, Jo l'étudiant, et tonton Christobal en vedette américaine; j'ai la faiblesse de penser que ce ne sera pas pire (comme on dit en Québekie).

Samedi 21;

Délaissant les régatiers du samedi après-midi, "Pirates.com", et "Catafjord" naviguent "de conserve" (comme on dit chez William le saurien), donnant matière à des échanges photographiques fructueux, en mer, et à d'autres échanges, à caractères plus libatoires, à l'escale de Mamoko.

Dimanche 22 Septembre à Mamoko.

Cette île est un joyau. Sa baie, protégée de tous les vents, abrite un village, pauvre, comme partout à Mada, mais serein. Les habitants en sont peu pressants, et ne viennent pas harceler le vagabond maritime pour lui fourguer des trucs hors de prix (par exemple un kilo de langouste à trois euros au lieu de deux! quel culot!!!!). Le newmatic accueille sans broncher notre petite troupe pour une ballade à terre. Moyennant une raisonnable poignée d'ariarys, le chef du village, haleine chargée et chicots délabrés, nous promène dans son royaume, afin que nos appareils photos y crépitassent en paix devant les habituels lémuriens, baobabs, tortues, tellement communs en ce pays que nous devons sûrement passer pour de fameux originaux d'y porter un tel interêt. Les gamins s'initient prématurément à dilapider leur ressource naturelle en s'amusant, avec un filet, à capturer des poissons d'un ou deux centimètres à ras du bord de la plage

Lundi 23 Septembre; debout à sept heures; surprise, les "pirates" sont déjà partis! afin, sans doute, de profiter de la fin de la brise nocturne qui est portante pour la prochaine destination. Nous appareillons à huit heures, et, malgré la faiblesse du vent, je m'applique à faire avancer le canote uniquement à la voile, pour la beauté du geste, et aussi pour, peut-être les rattraper lorsque le vent tournera et qu'il faudra alors louvoyer. Ainsi, nous tirons deux bords pour atteindre l'escale prévue, cependant que nos "bandits" affalent leur spi dès que ça refuse, et font la moitié du chemin au moteur! je vous le disais: la navigation au moteur, c'est l'avenir de la voile....

Les côtes malgaches regorgent d'habiles constructeurs de bateaux en tous genres et de sacrés voileux pour les faire avancer à belle vitesse, chargés de toile sous une immense voile latine en coton dégueunillé. La plupart de ces canotes sont de constructions remarquables; composés de nombreuses "planches" assemblées entre elles par des carvelles en acier galvanisé et calfatées avec toutes sortes de mixtures allant du traditionnel brai de houille à l'enduit epoxy, en passant par la cire d'abeille.....tout est permis. Le balancier des pirogues est un simple tronc d'arbre, effilé aux deux extrémités, et solidarisé aux bras de liaison par des assemblages à tenons et mortaises, plus quelques bouts de ficelles.....ces graciles libellules portent un matereau à quête inversée (vers l'avant), qui permet d'établir l'antenne sur laquelle la voile est enverguée. Très rapides, ces canotes; mais, revers de la médaille de bois, c'est vite fait de mettre la cabane su'l'chien, si une survente assassine n'est pas immédiatement compensée par un vigoureux rappel de quelque lourd équipier (sauf que, chez les pauvres, les lourds sont rares), ou par un filage immédiat de l'écoute....

Mercredi 25 Septembre; c'est ce matin que nous lançons officiellement l'opération secrète répondant au nom de code, incompréhensible par le néophyte: "lattage copique". Elle devrait durer une bonne dizaine de jours au moins, et il est fort probable que ça en soit plutôt quinze. Nous avons posé l'ancre dans la tranquille baie des Russes, laquelle nous fournit deux aides (dont aucun n'est russe.....), Paul et Paulin, qui sont comme qui dirait des ennemis héréditaires....bien qu'ils habitent à quatre cent mètres l'un de l'autre. Aussi, nous avons tranché en partageant l'affaire entre nos deux "concurrents": l'un opére le matin, et l'autre oeuvre l'après-midi. Malou fait sa chef d'équipe et manage avec fermeté ces deux sympathiques lascars, cependant que je produis mes quatre tournées de lattes. Bilan positif pour cette première journée; pourvu que ça dure....

Jeudi 26 Septembre; deuxième journée de déconstruction éffrénée pour Malou et ses arpettes, qui ôtent les lattes de bois toutes cassées et bouchent ensuite les trois mille trous de vis à l'aide de baguettes de bois provenant de tiges de bambou pour brochettes..... Un peu fatiguant, tout ça. Par contre, nous apprenons peu à peu les manières malgaches au contact de nos acolytes; intéressant.

Samedi 28 Septembre; mon sujet d'étonnement du jour: comment se fait-ce qu'aucun poète n'ait, à ce jour, encensé de ses vers dépolis, la majesté, que dis-je "la majesté", la grandeur, la magnificence même, du chant mélodieux de la disqueuse au petit matin, chargeant la quiétude d'un mouillage tranquille de ses stridulences, tellement évocatrices à l'oreille de l'amateur averti (averti qu'il a fini de dormir surtout....): telle montée dans les aigüs signifiant clairement que le disque prédateur, s'étant éloigné de sa proie, la machine s'emballe (et on sait bien qu'une disqueuse à cent balles, c'est pas cher....), alors qu'immédiatement après, cette descente vertigineuse et brutale dans les graves les plus graves est, bien évidemment, le résultat d'un mouvement un tantinet trop appuyé, destiné à, enfin, arracher de son support, cette batarde surépaisseur de colle qui s'evertue à emmerder encore un peu son monde, avant de finalement retourner en poussière ainsi qu'il est écrit dans.....le manuel de la disqueuse. Bref, alors que d'aucuns s'extasient (comme on dit dans les fesses-noses) sur le mélodieux chant de quelques piafs ordinaires, je prétends, pour ma part, que ce sont les vociférations passionnées de ma machine faisant jaillir un feu d'artifice de poussières composites qui me mettent en joie! pout être franc, je dois, tout de même, avouer que mon plaisir est encore décuplé par dix quand ça s'arrête......, et que, la corvée achevée, un autre chant des plus mélodieux celui-là aussi s'installe dans le copique: le feulement de l'aspirateur, picorant fébrilement, grain à grain, les kilos de poussière blanche répartis à peu près partout, en dépit des nombreuses bâches en plastiques disposées pour éviter ça (mais ça ne marche jamais...). Mais, on cause, on cause, et voilà t'y pas qu'il est déjà 18 heures de l'après-midi , et que donc, je sens les glaçons frétiller d'impatience dans le freezer, tout exités à l'idée d'apporter leur touche personnelle à une conclusion positive et optimiste à cet harassant samedi. Paulin vient rendre visite à Malou pour lui vendre ses langoustes: trois euros les deux kilos.....bon, il nous reste du poisson, mais, tant pis; on prend les langoustes quand même......quand on peut rendre service......

Dimanche 29 Septembre; le dimanche, c'est fait pour se faire plaisir. Aussi, terminé les tâches destructristes, et place à la nouveauté. Les premières lattes en ployester sont posées et laissent déjà augurer d'un résultat sympa. La production se poursuit régulièrement au rythme de 1,2 m2 de plancher par jour; le niveau de résine et de gel-coat descend dans les bidons respectifs, et la boite de cire elle-même s'allège inexorablement. A ce rythme, le moulage devrait être terminé pour la fin de la semaine prochaine. On devine aussi que la peinture des interstices entre les lattes ne va pas être des plus rapides.....

Un requin-baleine s'approche de Catafjord de sa nage ultra-lente, et vire à droite au dernier moment; un peu impressionnant. comme bestiole.....mais pas dangereuse.

Lundi 30 Septembre; boulot, toujours boulot, mais l'amitié ramène sa fraise. L'équipage de la majestueuse goëlette "Antsiva", venue mouiller près de Catafjord hier soir, vint nous rendre visite à la pause du matin, pour faire connaissance et nous inviter à dîner ce soir. Anne et Nicolas écument les environs depuis huit ans à bord de leur superbe canote en alu, et ont forcémment des tas de choses passionnantes à nous apprendre. Puis, en fin de matinée, ce sont nos piratous des familles qui rappliquent , équipage au complet cette fois, car Magalie est de retour de Nouméa, et rapporte dans ses bagages, la bouteille de champagne que Cyril a imprudemment perdue en pariant contre moi à propos du "golden globe", lorsque nous étions en escale aux Chagos.

Dîner à bord d'"Antsiva": vingt huit mètres de long, soixante dix tonnes de déplacement, dont vingt cinq de plomb......la goëlette est joliment équipée, et possède toutes les installations nécessaires à la réalisation d'expéditions longues pour une dizaine de personnes (plus l'équipage). Anne et Nicolas sont des hôtes merveilleux, racontant avec passion de croustillantes anecdotes glanées au cours de leurs navigations. Les pirates sont de la fête; voilà encore une bonne soirée.

Mardi 1er Octobre; fabriquer des lattes, poser des lattes, peindre entre les lattes....le chantier se poursuit assidûment bien que la fatigue commence à se faire sentir. Courage! dans quelques jours, nous en verrons le bout. Malou a attaqué ce matin la fameuse fintion interlattes en peinture p.u.; c'est un travail de fourmi qui demande patience et opiniâtreté; ça tombe bien, elle a les deux.

Mercredi 2 Octobre; nous nous octroyons une demi-journée de relâche, occupée à suivre Paul à travers les chemins de montagne qui mènent au village voisin. Accompagnés de Christian (tonton Christobal) et Jonathan, nous prenons notre petite leçon de botanique malgache grâce à Paul qui s'avère un guide hors pair, érudit et passionné. L'arbre du voyageur, très répandu à Mada, m'épate particulièrement; les habitations indigènes en utilisent presque exclusivement les différents éléments. En plus, ce palmier merveilleux est capable de désaltérer le bipède forestier, simplement en y pratiquant une incision, à la machette, à l'endroit adéquat.

Les malagaches sont fort habiles à exploiter les nombreuses ressources que la nature leur fournit, que ce soit pour se nourrir, s'abriter, ou se déplacer; ça m'épate!

Une jolie surprise nous attend au bout du chemin; un "vaza" de 84 ans!!!, installé ici, en brousse, depuis quelques années, y vit avec sa compagne. Ils construisent leur prochain bateau, un canote en bois local, du très beau bois, et résine epoxy (importée des usa) de quatorze mètres de long, à moteur. Le chantier est en route depuis deux mois; toute l'ossature est en place et le bordage est bien entamé. La construction est prévue durer deux ans; bon pied bon oeil le gars! et sa copine n'a pas l'air manche non plus. J'en suis tout ébahi.

Retour au camp de base en fin de matinée, de manière à assurer une après-midi de boulot "normale", avant de recevoir nos "pirates" pour une soirée entre forbans.

Jeudi 3 Octobre; nouvelle bonne grosse journée "lattage"; les "pirates" sont repartis à Nosy Bé, histoire de "livrer" tonton à l'aéroport de bonne heure demain matin.

Malou a terminé la finition de la zone timonerie; le résultat est très sympa. J'ai attaqué le cockpit proprement dit; les lattes sont plus longues et plus larges que les autres et ça va assez vite.....mais, il faut rester tout le temps à quatre pattes au sol, et ça, c'est moyen...; mais je sens que la pose va avancer rapidement. Par contre, se profile dès demain, une interruption de trois jours, pour cause d'apéro/anniversaire, samedi prochain, à l'occasion du franchissement par le capitaine du cap donnant accès au monde merveilleux de la séxagénération.....une quinzaine d'invités prévus; faudra donc préparer un peu le coup.

Pourtant, ça ne semble pas être le meilleur moment pour trainer du coté de Nosy Bé, car de graves évènements sont survenus ces derniers jours. Un enfant de huit ans a été etrouvé mort, son corps mutilé sur une plage de l'île; il s'en est suivi des émeutes et affrontements avec les forces de l'ordre, ainsi que quelques règlements de compte à l'ancienne.....trois personnes (dont deux "vazas") ont été lynchées par la foule, brulées dans des pneus ( lesquels étaient inutilisables ensuite, inutile de vous le dire...).

Samedi 5 octobre; bingo! soixante! et pas un brin de jeux.....quelle belle fête à bord de Cataf; punch planteur, accordéon, saxo et foutage de gueule. Malou et les amis me gâtent; l'ambiance est aimable. "Bienvenue au club" me glissent quelques vioques.....non mais, y me prennent pour qui?

Dimanche 6 Octobre; objectif de la matinée: le plein de gas-oil, en taxi, avec des bidons de vingt litres. La révolte couve à Nosy bé; il ne faut pas trainer ici. Plusieurs européen ont déjà été évacués.....Dès demain matin, nous filerons, avec Olivier, à Hell ville faire nos formalités de sortie du pays, même si nos routes vont encore rester Malgaches plusieurs semaines (si tout va bien.....)