31 Décembre 2013: Quelle chance, encore une fois....Catafjord file gentiment ses huit noeuds en direction du redouté Cap des Aiguilles; le ciel est limpide; la mer, langoureuse, nous berce sans heurt, nous offrant sur un plateau d'argent, coté ouest, une infinité d'étincelles d'espoir pour la nouvelle année, que nous avalons avec gourmandise pour fêter le double évènement attendu pour cette nuit: changement d'année et d'océan.

21 heure: Fidèle à sa réputation de fâcheux, l'Indien a tenu a prélever sa dîme avant de nous laisser filer: poulie d'écoute de grand'voile cassée.....je n'ai aucun courage pour réparer maintenant.....grand'voile affalée, nous poursuivons sous génois seul, un peu plus lentement.....mais tellement peinard.

1er Janvier 3 heures; Malou vient me réveiller; c'est mon quart. Elle est contente de m'apporter la bonne nouvelle: le cap Agulhas est doublé; nous sommes en Atlantique! c'est, à la fois, émouvant et plaisant. La brise mollit avec le jour naissant, et je me décide à réparer le palan de grand'voile, afin de pouvoir la renvoyer.....d'autant qu'un pauv monocoque se pointe derrière nous, avec l'envie manifeste de nous rattraper.....

9h15; un "pchoutttt" magistral, comme si dix mille pochetrons ouvraient leur cannette de bière en même temps sous notre nez....c'est une baleine rorqual; une "Bryde's whale" précisemment, qui vient à nous pour cheminer de conserve. Elle émerge à quelques mètres seulement, puis décide de changer de bord en passant par dessous, ce qui nous arrange bien, avant de rester sur une route parrallèle pendant un bon quart d'heure. La brave bête nous accompagne, comme un genre de gros toutou de quinze tonnes qui se baladerait avec ses maîtres.....

Approchant du cap Danger Point, au nom si enthousiasmant....la mer regorge de vie animale. Les phoques, en très grand nombre bondissent hors de l'eau à la manière des dauphins, tout en étant, cependant, plus craintifs et moins joueurs. Les cormorans, semblent "piqués" dans la mer comme des jeunes pousses dans la mangrove, leurs longs cous noirs émergeant de toutes parts de la surface liquide. C'est étonnant comme la nature engendre souvent d'improbables mimétisme entre le monde animal et le monde végétal. C'est aussi le cas avec le kelp, ces gigantesques algues sous-marine formant de véritables forêts, et dont l'extrémité, parfois aérienne, rappelle un museau de phoque, ou une tête de cormoran. Il y en a des quantités par ici, dont une qui se prend dans un de nos safrans.....incident sans gravité.

Comme toujours, l'arrivée au port, est accueillie avec joie par la promesse de repos qu'elle recèle. Pourtant, Gansbaai n'est pas un hâvre pour vagabond à voiles (ni même à vapeur....); c'est un port de pêche uniquement. Par chance, un des quai n'est pas entièrement occupé, et nous y amarrons le canote. Quelques pêcheurs à la ligne nous font la causette, proposant gentiment de nous conduire en ville avec leurs bagnoles; l'un d'eux nous rapporte même une bouteille de vin! cadeau! juste pour faire plaisir; sympa l'accueil!

Un phoque vient chasser à l'ombre de la nacelle-plateforme de Catafjord; Malou, tapie en embuscade dans la jupe arrière tribord, bombarde l'animal de photos, dont elle m'assure qu'elles seront mises en ligne sur le site avant que nous ne soyons arrivés en Guadeloupe.... j'imagine la chose possible.

Jeudi 2 Janvier 9 heures; toute la nuit, Catafjord a labouré ses parre-battages contre les énormes pneus suspendus au quai, jouant au yoyo avec ses amarres, sous l'impulsion d'un vigoureux ressac. Au sortir de l'opération "vaisselle du ptit déj", un type nous interpelle depuis le quai, pas spécialement enjoué....c'est le maitre de port. Il nous informe illico et en une seule phrase, qu'il n'y a aucune place pour nous ici, et, donc, on doit dégager vite-fait! "Pas possible" rétorque-je, car du mauvais temps est attendu dans quelques jours, et on n'a nulle part où aller, les deux marinas situées dans le secteur nous ayant signifié par e-mail qu'ils n'ont pas de place pour un canote si grand. Notre génie bienfaiteur se pointe sous les traits d'un type en short, bourru et trapu comme un brave péchou, qui se met à discuter avec notre bonhomme, afin de sortir, non pas de la passe, car je viens de vous dire qu'on reste ici....., mais de l'impasse....Il propose que nous amarrions notre modeste barcasse à couple d'un gros barlut de pêche qui ne sortira pas avant deux semaines, car il n'a pas sa license. Super! nous profitons du vent faible en ce moment pour déménager sans attendre et prendre place contre ce merveilleux méga-ponton, rien que pour nous. On n'imagine pas comme ce type de navire est particulièrement bien adapté à servir de catway à un voilier en escale, dès lors qu'il est inhabité: son énorme poids garantie une grande inertie pour s'opposer au ressac; sa paroie verticale rassurante accueille nos parre-battage avec douceur, et on trouve, à son bord, quantité de points costauds où frapper moultes amarres et autres gardes. Un vrai régal! sauf pour embarquer et débarquer où là, c'est un genre de parcours du combattant....mais, bon, on ne peut pas tout avoir.

Nous avons l'intention de nous rendre dans quelques jours dans certaines grottes voisines, à l'interêt majeur nous dit-on. Aussi nous en profitons pour nous culturer un peu en lisant des trucs sur ce sujet. Figurez-vous que de nombreux indices archéologiques attestent de la présence d'individus de type humanoïdes dans le quartier depuis des temps abominablement reculés puisqu'il y est question de quelques millions d'années.....soit le commencement de l'humanité. Et donc, il semblerait que nous descendions tous d'un genre de grand'père très lointain, fort bronzé et poilu plus encore. Personnellement, cette vision de notre ascendance me réjouirait plutôt....hélas, il nous a été donné de rencontrer récemment, certains autochtones, à l'accent guttural, qui ne m'ont pas semblé partager mon enthousiasme......Je le déplore, et ceci constitue une grande déception. Il nous est, en effet, fort désagréable d'entendre tels bipèdes pâlichons se lamenter en manifestant leur nostalgie à l'égard de ce bon vieux temps de l'apartheid.....nous gardons cependant espoir qu'ils ne représentent qu'un très faible pourcentage de la population, et que leur espèce soit en voie de ramollissement.

Samedi 4 Janvier; un temps magnifique pour faire notre excursion, à pieds, vers les fameuses grottes "Klipgat". Le chemin côtier est des plus agréables, rappellant en de nombreux points ce que l'on connait en Bretagne. La roche, inlassablement attaquée par une houle quasi-permanente, est éclatée en une infinité de miettes, parfois organisées en criques envahies de kelp. La végétation est courte et dense au gré des flots (oui, je sais, c'est un peu stupide comme phrase; mais c'est de la poésie avec jeu de mot intégré....un nouveau genre que j'envisage de lancer si la demandes s'avère significative....).

Un peu en arrière du littoral, les hauteurs de la colline sont entièrement garnies de belles demeures, alignées comme en un townships de luxe....un "hiltonchic", comme qui dirait.

Une escale délicieuse, et à ne pas manquer en cours de route, c'est le "coffee on the rocks". Nous y déjeunons de délicieuses salades originales accompagnées de pain pita fait maison, et d'un petit coup de blanc local qu'est ma foi "ben gouleyant". La terrasse surpombe la mer, et constitue, en saison, un excellent point d'observation pour les baleines (mais, nous, on s'en bat les couettes, on en voit tout le temps des baleines....).

Ayant cheminé en flânant copieusement, le retour se fait à un rythme un peu plus soutenu, histoire d'arriver chez nous, disons, pour l'apéro, quoi. Bien mérité que j'dis, car nous avons tout de même parcouru quinze kilomètres, et il est donc grandement temps de se réhydrater.