Lundi 6 Janvier;

Où les travaux photographiques de Malou m'apportent une solution à un petit désagrément survenu à Richard's bay.

Souvenez-vous, les singes à couilles bleues......Bon; ça y est, les photos sont sur le site. Hors, il se trouve, que pas plus tard qu'hier, ma pépette était à la chasse aux images de phoques sous la nacelle de Catafjord. C'est là que le déclic se produit, dans mon esprit embrumé, simultanément à celui de son obturateur, qui, fort heureusement ne l'est pas, lui, embrumé, sinon la photo eût été floue, et on sait bien qu'une photo floue tout le monde s'en fout. Mais c'est bien sûr! elle est là ma solution: tout devient limpide comme cette eau qui porte notre phoque. Il suffirait que je m'immerge, quelques instants en compagnie de notre svelte pinipède, et, à cette température, question couilles bleues, je n'aurais plus rien à envier aux petites cercopithèques frimeurs! c'est évident.

Après mûre réflexion, il est probable, hélas, que différentes autres parties de ma carcasse virent également au bleu assez rapidement.....alors, si c'est pour faire schtroumpf.....nettement moins distingué déjà; et, puis, l'eau froide, je n'aime pas du tout ça.....en définitive, je crois que je ne vais rien changer.

Jeudi 9 Janvier; la semaine s'étire, bien peu trépidante. Les journées de sale temps, où le froid et la pluie nous ont séquestrés à l'intérieur de Catafjord, nous auront permis de nous mettre à jour de quelques menues besognes ménagères et d'écriture. C'est avec bonheur que nous retrouvons des journées un peu plus ensoleillées, même si les températures restent basses. Une fenêtre s'annonce, et nous sommes bien décidés à la saisir pour nous échapper d'ici. Après une escale de neuf jours, il commence à être temps de bouger.

Vendredi 10 Janvier, 5 heures; les premières lueurs du jour ont à peine commencé à soulever le sombre voile nocturne, et c'est dans la pénombre que préparons notre appareillage. Malou s'affaire à rentrer les pare-battages, dont plusieurs sont devenus raplapla après les sollicitations énergiques de ces derniers jours. De mon coté, je largue une à une les nombreuses gardes que nous avions installé lors des coups de vent qui nous ont rivé ici. Un peu de rangement avant de larguer les dernières amarres, et, c'est parti. Sans transition, le mode "shaker" est enclanché sitôt virée la jetée. Dehors, peu de vent, mais la mer est restée celle des derniers excés d'Eole, sans avoir eu le temps de s'apaiser un peu. Les deux braves Yanmar sont donc encore de service, avec leurs filtres dûment nettoyés et vérifiés.....

à 8h45, nous apercevons "good hope Cape", et le vent est toujours trop faible pour faire voile. Plusieurs groupes de deux ou trois phoques glandouillent en famille à la surface des flots, allongés ventres en l'air, leurs queues, leurs nageoires et leurs moustaches émergeant en de glauques bouquets détrempés.

13h, l'instant à la fois attendu et redouté, est arrivé: CAP de BONNE ESPERANCE par le travers! SUPER!!!!!! sur fond de ciel d'azur agrémenté d'inoffensifs cumulus d'accompagnement, il est tout simplement magnifique!, et nous le passons au moteur car le vent est toujours insuffisant pour avancer à la voile. Par contre, la mer est loin d'être calme, et laisse deviner l'allure qu'elle doit prendre lorsque le vent souffle violemment comme il le fait souvent par ici. En dépit des conditions particulièrement clémentes dont nous bénéficions, nous sommes très émus de passer dans ces lieux où les souffrances humaines accumulées dans le passé ont imprégné l'atmosphère d'une sorte de lourdeur presque palpable.

La longue péninsule montagneuse qui se plante dans la mer en une explosion de roches dégarnies par les assauts inlassablement répétés de la mer, est couverte en grande partie d'une végétation rase qui lui donne un vague aspect de moquette à poils courts, séparée du bleu de l'Atlantique par un ruban doré de sable blanc. Le tableau est fantastique. Coté babord, c'est moins réjouissant; de lourds nuages d'étain assombrissent le ciel comme pour nous dire: "je vous ai à l'oeil; c'est pas les tropiques ici....". Cependant, tout va bien.....

Samedi 11 Janvier; ce début d'escale à Capetown est un véritable enchantement. Depuis le passage du Cap, tout se déroule pour nous comme dans un rêve. Que du bonheur! La remontée, le long de la côte a continuée comme elle avait commencée: un ravissement, avec, en plus, deux heures de vent portant, histoire de faire un peu de voile et d'économiser quelques litres de carburant. Et puis, nous sommes enfin parvenus en baie du Cap. L'arrivée, avec ces impressionnants massifs montagneux en arrière plan, et la montagne de la table, posée là au milieu, comme une monstrueuse chope de bière à la mousse dégoulinant sous le vent en cascades, a constitué un moment très fort de notre voyage. Un retour de quarante ans en arrière, pour moi; je naviguais alors à bord d'un super-tanker de la compagnie Esso; une barcasse de trois cent mille tonnes, avec 25 mètres de tirant d'eau, sur le pont duquel on se déplaçait à vélo.....très différent.....

Par contre, notre entrée dans le port du Cap a été l'occasion d'une petite surchauffe passagère.....lorsque nous nous sommes retrouvés avec 25 noeuds de vent, ne sachant où nous amarrer, le soleil en plein dans les yeux, en travers de la route de la dizaine de bateaux de day-charter qui sortaient leurs troupeaux humains pour la chasse au "sunset".....Catafjord au milieu de ce bazar, effectuant lentement son demi-tour.....j'ai pas trouvé ça trop poilant, sur le moment....... Par bonheur, un grand cata à moteurs, délaissé quelques heures par son équipage et dûment amarré à proximité nous a servi de ponton d'accueil, et comme par enchantement, nous avons pu continuer à nous vautrer dans le bon temps et la félicité. Un honnête apéro pour fêter le passage du Cap, suivi d'une reposante nuit de sommeil: bienvenue à Captown.

Sitôt expédié le petit déjeuner, nous partons à la rencontre des responsables de la marina pour connaitre les conditions qui devraient être les notres désormais. Fermé, le bureau ! c'est le week-end, on ne verra personne avant lundi! Vu qu'on n'a pas l'air de déranger, nous resterons amarrés à notre cata/ponton jusqu'à nouvel ordre. L'endroit est excessivement touristique, mais très beau, et plutôt sympa. Wait and see.

Le port de Capetown présente une particularité que j'apprécie énormément, et qu'on ne trouve pas, hélas, dans notre belle Gaule (comme disait la jeune mariée....). La grande famille des gens concernés par la mer et les activités à caractère maritimes n'y est pas segmentée, et mise dans des cases différentes comme c'est le cas dans nos ports. Ici, les genres sont mélangeables, dans une apparente cordialité. Ainsi, nous autres vagabonds, sommes amarrés au milieu des bateaux de charter, avec Pilotes et remorqueurs pour voisins immédiats. Un peu plus loin, dans le quartier des péchous, agglutinés par paquets de quatre ou cinq, rien n'empêche d'aller s'amarrer à un bout de quai laissé vacant. Ici la règle semble être: "s'il y a quelquepart un bout de quai qui puisse vous convenir, amarrez-vous; on se débrouillera bien ensuite.....". C'est un peu comme si, ayant quitté Le Grau du Roi, vous arrivez à Marseille, et venez vous amarrer au vieux Port.....et personne ne vous fout dehors.....une fiction, un rêve, la réalité d'ailleurs.

Et, donc, ce samedi matin, c'est le coeur léger que nous partons à pieds découvrir un peu cette ville du Cap. Evidemment, c'est très calme.....pour cause de week-end. Comme dans la plupart des grandes villes, les buildings hauts et modernes confèrent aux cités qui les hebergent un caractère un peu oppressant. Cependant, les rues étant ici, larges et aérées, clairsemées de belles bâtisses à l'architecture classique, de nombreux endroits de la ville sont charmants et il est agréable d'y déambuler nonchalamment, sans oublier tout de même les précautions de base qui se justifient malheureusement dans toutes les grandes villes.

Dimanche 12 Janvier; la météo y étant tout-à-fait favorable, nous partons en visite à "table montain". Un détour par la station de bus afin d'acquérir notre carte d'abonné, (seul moyen de rentrer dans un bus), et nous voici partis vers la station d'en bas du téléphérique. Le bus ne va pas jusqu'à cette station, et donc, il nous faut parcourir environ deux kilomètres en montant le long de la route, ce qui constitue une bonne mise en jambe. Puis, en compagnie d'une soixantaine d'autres montagnards tableurs comme nous, nous nous entassons dans la nacelle vitrée qui s'élève lentement vers le sommet. Le spectacle est évidemment grandiose, rehaussé encore par un temps radieux. Celui qui est sujet au vertige, a les mains bien moites là-dedans....; c'est assez impressionnat tout de même. Une fois la-haut, la féérie se prolonge.....dans la fraicheur. Tout est chouette ici; et surtout, on peut commencer la promenade avec une petite bière, savourée derrière les carreaux de la cafète, sans se cailler; ça c'est bien, super bien. Mais par contre, je suis obligé de mentionner un petit sujet de décéption tout de même: quand on est en bas, pis qu'on regarde cette "table mountain", qu'est ce qu'on voit? comme son nom l'indique, une table....un truc plat, quoi. Alors on se dit, "je vais peut-être apporter mes rollers....ça pourrait être sympa de faire un peu de roller à mille mètres d'altitude.....". La boulette, celui qui fait ça, car, arrivé ici, en haut, c'est n'importe quoi; c'est que des cailloux! on peut pas faire du roller, c'est un monde de cailloux....encore, ils ont mis un peu de ciment entre pour faire un genre de chemin pour que les gens ne se perdent pas, mais pour le roller, c'est naze; clairement nul; on peut pas faire de roller sur la table mountain, et ça c'est vachement ballot. Voilà, c'est juste mon avis. Sinon, c'est beau, c'est très beau.....et frais. Mais question roller, zéro.....je devais le signaler.

Tellement beau, que nous z'aut avec la Miloude, on se fait presque deux heures de marche pour aller carrément à l'autre bout, voir le panorama superbe qu'est très beau aussi, mais, bon, c'est beau partout, alors celui qui veut pas se fatiguer, y peut rester au début et prendre une autre bière; c'est chacun son goût.

Au bout d'un moment quand même, faut penser à se retirer (comme disait le jeune marié), et voilà qu'une autre fournée de 5,2 tonnes de clampins s'agglutine dans la cafetière suspendue pour retrouver qui son auto, qui son bus. Le préposé au bouton "come back", il ne compte pas les passagers, il regarde son peson! et quand les 5200 kilos de guignols sont Tatin, y dit stooooppppp!!!! Plus personne ne rentre; même, il en débarque deux ou trois, pour être pile poil au maximun motorisé, y ferme l'huis, lui-même, et: descente........Un petite haut-le-coeur, puis, retour à bord, cramoisi de soleil, les yeux encore éblouis de toutes ces merveilles.

15 heures: Catafjord a bougé sans nous! Le gros cata qui faisait ponton n'a plus voulu le faire, et il s'est esbigné, après nous avoir amarrés à sa place. C'est un peu bizarre, comme sensation......mais y a pas de souci. Nous en profitons pour lessiver le bordé tribord qui était repoussant car maculé de traces de pneus choppées dans les ports de pêche. Demain, entrevue avec les autorités....que nous reservent ces gens?

18h: fin du rêve éveillé. Le skipper du gros cata-ponton se pointe, nous expliquer que faudrait penser à se retirer comme disait l'autre casse-burne, et, donc, alors que l'apéro est tout juste servi, mais point encore assimilé, faut transférer le canote, vers un quai haut comme le Mont Saint-Michel, et garni de pneus gros comme les seins à Michèle, mais laquelle?

Pour couronner le tout, voilà que le vent de sud-est redouble de vigueur et ça couine du pare-battage, réjouissant enfin ceux qui trouvent qu'on vraiment trop de chance. Même pas mal.