Cependant qu'un de nos plus habiles jongleurs de mots académique tirait sa révérence et que notre rocker-idole terminait son dernier déjeuner, nous vaquions avec insouciance aux abords immédiats de Saint-Louis de Marie-Galante. L'annonce d'un concert de chants de Noël en créole, donné dans les jardins de l'incontournable « chez Henri », avait sournoisement ancré en moi l'envie de venir assister à ce moment de convivialité bon-enfant. Malou étant partante, rien ne nous retenait plus en rade de Pointe-à-Pitre. Et puis, je reconnais que l'envie de tester le dernier système limiteur de pollution et économiseur de carburant, que j'ai installé pour test dans la salle des machines tribord, me titillait vigoureusement. Je brulais d'en avoir le « cornette » comme on dit dans les couvents.

Notre « Lady » se hâta de confirmer son immense aptitude à satisfaire notre insatiable appétit de vagabondage nautique improvisé. Avec quelle facilité pouvons-nous, à présent, décider au pied levé (pied de pilote, bien entendu…) de relever l'ancre pour quelque destination de notre choix, sans avoir à nous soucier d'une quantité de paramètres, ainsi que nous l'avons fait si souvent par le passé.

Bref, après quelques heures de bercement sur les flots, nous étions attablés devant une savoureuse assiette de poisson-lion et un peu de vin, face à la scène, chez Henri. Les musiciens s'accordaient. Les chanteuses échangeaient entre elles des informations de toute première importance concernant sans aucun doute des sujets majeurs…Quelques perfectionnistes à l'oreille délicate traquaient le mauvais contact dans les câbles de la sono. Nos digestions étaient bien entamées lorsque les premières vocalises montèrent aux nues. Musiciens et chanteurs (je suis forcé d'employer le masculin pour un unique bonhomme. La langue française se fout un peu du monde parfois), unis dans une admirable communion chromatique, nous régalèrent deux heures durant, dans un genre d'ambiance à mi chemin entre kermesse et cour de récré. De la joie, de l'enthousiasme, de la bonne humeur : Marie-Galante exprimée en musique. Charmante, indolent, gentille. Aucune prétention, aucune sophistication, juste la vie, simple, ordinaire, rustique. Un joli moment !

Pendant ce temps-là, au loin, très loin, nos célèbres défunts faisaient couler de l'encre et crépiter des claviers. Ici, point de Champs Elysées, seulement des chants alizés, lorsque John y a l'idée. (John, c'est un copain à Henry…je suppose).

La baie de Saint-Louis est ceinte d'un élégant ruban de sable blanc que les autochtones affectionnent de venir fouler aux pieds lors des agapes dominicales ordinaires. On y apporte son pique-nique, sa musique, des mômes et des amis pour un barbotage apéritif dans l'eau turquoise. On chante, on rigole, on éclabousse, on boit du rhum. A une encablure, la Lady se pavane au milieu d'une carte postale. Le « Rallye des iles du soleil » tente d'apporter un semblant d'animation, Saint Louis étant sa destination d'arrivée. Bon, on est loin des trépidations de la « Route du rhum », mais pour Marie-Galante, c'est la teuf! L'après-midi rampe gentiment vers la sortie. Et c'est invariablement la chute de l'astre solaire derrière l'archipel des Saintes qui met un terme aux réjouissances. Ce soir, il s'est sans doute vautré dans une bassine de peinture orange fluo, car il en a éclaboussé tout le ciel, nuages compris. On range les barbeucs, les sonos et les gosses (en oubliant, par mégarde, deux trois canettes ou autres papiers gras) et retour à la case.

Demain, Lundi sera un autre jour …sans aucun doute différent.

Petite précision technique de la part de l'équipage de Lady't Bee :