Merveilleuse rencontre ,
avec un plaisantin fortement motorisé.
Loin de moi l'idée de considérer qu'un individu conduisant un bateau à moteur soit intrinsèquement une moins bonne personne que celui qui barre un voilier. Le monde de la voile recèle une quantité de crétins qui respecte parfaitement la proportion en usage dans presque toutes les communautés.
Cependant, il faut bien reconnaitre que le quidam qui se déplace avec une barcasse de huit mètres de long, et deux fois deux cent cinquante chevaux au cul, ce gaillard-là, quand il pose sa papatte sur la manette des gaz, malgré lui, malgré toute son intelligence, malgré sa bonne éducation, et, en dépit de cet immense respect d'autrui dont il fait également grand usage lorsqu'il se trouve au volant de son énorme quatre-quatre, ce Monsieur, disais-je, se sent forcément quelqu'un de consistant, d'important, voire d'intéressant. C'est humain. D'où la tentation d'appuyer un peu….pour confirmer, disons.
Hélas, les lois de la physique, et de l'architecture navale étant ce qu'elles sont, notre brave « marinus légitimus motorisaë », se retrouve, malgré lui, en situation d'enfreindre la loi dès lors qu'il quitte la haute mer, ce qu'il ne fait guère plus de 98% de son temps…..
Explication :
-lorsque vous entrez dans un chenal, ou dans un port, endroit où la vitesse maximale autorisée se situe souvent aux alentours de cinq nœuds, les deux hélices mues par votre surabondance de chevaux, bien que ceux-ci fussent « au ralenti », ne vous permettent généralement pas de « descendre » à ces ridicules quatre ou cinq nœuds ; loin s'en faut même
-d'autre part, sur ce genre d'embarcations, aux étraves souvent assez hautes, dès que le pilote pose son séant sur le siège mis à sa disposition à cet effet, son champ de vision vertical en direction de l'avant se trouve amputé d'une large zone de plusieurs dizaines de mètres de long. Si, par malchance, notre impatient amoureux des flots bleus a mis un peu de gaz, mais pas assez toutefois pour déjauger, alors, son bâtiment se cabre comme un cheval rétif, augmentant encore ce fameux angle mort, et, la probabilité d'en générer d'autres …..des morts ! En clair : le gars, y voit rien cent mètres devant lui !
Et, voilà précisément ce qui vient juste de nous arriver.
Il se trouve que la Miloude et moi-même, avons pour habitude d'accomplir quotidiennement, quelques «ronds dans l'eau » à bord de notre kayak, en vue de tenter de respecter la bonne vieille directive antique, et pourtant, tellement actuelle : «Mens sana in corpore sano», (un esprit sain dans un corps sain). Disons qu'on élimine l'apéro de la veille….
Ce matin, comme cela arrive fréquemment, de puissants prédateurs à hélices sillonnent le plan d'eau à des vitesses déraisonnables, et ce, avant même d'être sortis de la marina pour les plus conquérants.
Pour ma part, je ne peux m'empêcher de les observer attentivement ; au cas où….On ne sait jamais.
Et, justement, de ce cata bleu d'environ sept mètres, qui se dirige vers nous à vive allure, je ne vois émerger aucune tronche ; pas la moindre touffe de cheveux ; pas de tonsure ; pas même un début de calvitie : que dalle !
«Accélère un peu » dis-je à Malou, «le bourrier bleu là, sur notre gauche, je le sens pas »
De fait, quelques secondes plus tard, l'engin, sous la poussée de ses deux hors-bord noirs, nous rase les miches à quelques décimètres ! Y nous avait pas vu l'gars !
J'invective alors bruyamment le chauffard, qui me jette, en retour, cette magnifique réplique, frappée au coin du bon sen marin : « ben, vous z'êtes au milieu de la route ! »
Je suis tout de même un peu perplexe en constatant comment, dans notre beau pays, où tout est sujet à « permis », « autorisations », « brevets », et « licences », divers et variés, autant que dispendieux, il est aisé de se retrouver capitaine d'un engin flottant équipé de plusieurs centaines de chevaux, tout ça en échange d'une poignée d'euros, donnés à un marchand de permis, qui ne peut, dans le meilleur des cas, que tenter d'inculquer à ses clients, quelques rudiments propres à lui permettre de regagner son ponton , par beau temps, mais certainement pas le moindre petit début de commencement de sens marin. Quand au civisme…..
Il est vrai que le dernier « meurtre nautique » en date, commis dans les environs, est légitimement oublié. Pensez, il remonte à trois semaines, déjà. Un nageur, dûment équipé de sa petite bouée rouge et blanche destinée à le signaler, s'est fait broyer par une embarcation fortement motorisée dans le lagon de Saint-François….Mais, c'est tellement loin tout ça.